19 avril 2024

L’agent gourmand (suite et fin)

Reouven confie à un agent immobilier la vente de sa maison au prix de 2,000,000 chequels. Ce dernier réussit à lui trouver un acheteur pour 1,950,000 chequels. L’affaire est conclue et la maison est vendue. Peu de temps plus tard, Reouven le raconte à son ami Chimon qui parait étonné. Celui-ci explique qu’une semaine plus tôt, il a proposé à ce même agent d’acheter cette maison au prix offert, mais que l’agent avait refusé l’offre et demandait un prix plus élevé. Plus tard, l’agent avoue à Reouven qu’il ne l’avait pas mis au courant de cette proposition, car cet acheteur lui avait promis une commission supérieure à la normale.

Reouven se rend alors au Beth Din et pose les trois questions suivantes :

1)Est-ce un ‘méka’h taout’ [une vente faite par erreur], et Reouven peut-il donc annuler la vente ?

2)Si non, l’agent doit-il lui payer la perte qu’il lui a causée [50,000 chequels] ?

3)Doit-il payer la commission de l’agent?

Réponse:

Le Ran rapporte le cas de quelqu’un qui confie les kidouchine d’une femme à un envoyé ; en d’autres termes, il envoie quelqu’un à sa place donner à la femme la somme nécessaire (ou la bague) pour l’épouser. Si elle accepte d’épouser l’envoyé (car elle ignore qu’il n’est qu’un envoyé), le mariage est valide. En effet, elle n’a pas précisé qu’elle ne l’épousait que par défaut mais que si elle avait le choix, elle aurait préféré épouser l’envoyeur. Ce n’est pas un « Méka’h Taout » , une transaction erronée. De même, le vendeur aurait pu refuser de vendre à 1,950,000 chequels s’il avait su qu’il y avait un autre acheteur potentiel.

Certains Poskim [‘Houkei ‘Hayim q. 5] disent que Reouven est en droit d’annuler cette vente à cause de la tromperie de l’agent immobilier, « hataya » . À ce cas s’applique la loi de la Guémara concernant quelqu’un qui vend ses biens dans l’intention d’aller habiter en Erets Israël. S’il ne parvient pas finalement à s’y rendre, il peut annuler la vente.

D’autres poskim disent que non. La différence tient au fait que dans le cas de la Guémara, la condition (son départ pour Erets Israël) a été précisée par le vendeur au moment de la vente alors que dans notre cas, Reouven n’a pas précisé à l’acheteur qu’il n’avait trouvé aucun autre client pour le prix de 2 000 000 chequels, bien qu’il l’ait pensé, comme le précise le Choul’han ‘Aroukh (207,4), car ce sont des « dévarim chébalev » [conditions non exprimées].

Précisons que ce din s’applique même si Reouven n’est pas intervenu directement dans la vente, et que nous ne pouvons donc pas lui reprocher d’avoir omis cette précision. Pourquoi? Car le Knesset Haguedola, Hagahot Beth Yossef (207, 67), tranche que le din de la Guémara concernant celui qui veut se rendre en Eretz Israël s’applique même la vente se fait par un intermédiaire.

En conséquence, Reouven ne peut pas annuler la vente.

Affaire à suivre la semaine prochaine…

Cette rubrique est écrite par l’institut « Din vé Michpat »

sous l’égide du Rav Its’hak Belhassen où siègent des Dayanim francophones

Conseil et orientation juridique en droit juif, héritage divorce et partage

Litiges  – Traitement de questions pécuniaires – Rédaction de contrats et testaments

Rav Aaron Cohen  (054.85.910.55   *dinvemichpat@gmail.com