7 novembre 2025

Donner pour recevoir

Cette semaine nous ouvrons le SĂ©fer Bamidbar, cette Paracha prĂ©cĂšde toujours la fĂȘte de Chavouot, afin de ne pas juxtaposer, nous enseignent Tossfot (MĂ©guila 31b), les malĂ©dictions de Bé’houkotaĂŻ, avec la fĂȘte. Notre Paracha nous permet aussi de mieux nous prĂ©parer Ă  Chavouot, qui est le don de la Torah, grĂące au Midrach Rabba (1 ; 72) qui nous enseigne, Ă  partir de notre verset, la façon dont nous l’avons reçue.
La Torah a Ă©tĂ© donnĂ©e au-travers de trois choses : l’eau, le dĂ©sert et le feu. L’un des points communs entre ces trois Ă©lĂ©ments, c’est leur gratuitĂ© d’acquisition.

En effet, le feu et l’eau sont des Ă©lĂ©ments naturels Ă  la libre disposition de chacun (mĂȘme si aujourd’hui nous payons le service qui nous approvisionne Ă  domicile). Quant au dĂ©sert, il est tout autant Ă  l’abandon : vous pouvez aller y habiter, personne ne viendra vous rĂ©clamer quoi que ce soit. Il en est de mĂȘme pour la Torah, elle est posĂ©e « al keren zavit Â», celui qui la veut va la chercher. Elle n’est pas liĂ©e Ă  un homme en particulier, mais Ă  tout le monde et dans la mĂȘme mesure. Elle est un hĂ©ritage pour chacun d’entre nous, quel que soit notre niveau. Elle est accessible Ă  tous et de ce fait, chacun se doit de s’investir pour elle et la pratique des Mitsvot.

Cependant, creusons un peu plus notre sujet, pourquoi avons-nous besoin de ces trois éléments ?

Le Rav MochĂ© Stern, dans son commentaire sur le Midrach, nous aide Ă  dĂ©terminer la symbolique de ces trois Ă©lĂ©ments. Ce que le Midrach nous enseigne nous permet de tracer les rĂšgles de conduite que nous devons appliquer, d’une part pour acquĂ©rir la Torah, d’autre part pour nous pĂ©nĂ©trer de sa morale.

Le feu est le symbole de l’enthousiasme sacrĂ© et de l’entrain joyeux avec lesquels nous devons accueillir les paroles de Torah. Il reprĂ©sente Ă©galement l’ardeur qui doit nous animer lors de l’accomplissement des Mitsvot. Il signifie aussi le sacrifice de la vie pour Hachem, comme en tĂ©moigna notre pĂšre Avraham, qui refusa de cĂ©der Ă  la Avoda zara et se laissa pour cela jeter dans la fournaise.

L’eau en est un autre moyen d’acquisition, elle reprĂ©sente l’humilitĂ© et la modestie, puisque naturellement, elle coule du haut vers le bas. Elle nous fut prodiguĂ©e dans le dĂ©sert par le plus humble des hommes, comme il est Ă©crit (Bamidbar 12 ; 3): « â€Š et l’homme MochĂ© trĂšs humble, plus que tout homme qui fĂ»t sur la surface de la terre. Â». Elle symbolise aussi la pondĂ©ration, le sang-froid, les gestes rĂ©flĂ©chis, indispensables pour Ă©viter de tomber dans les fosses de la passion et du vice. Enfin, elle nous rappelle le dĂ©vouement collectif de nos ancĂȘtres, attestant d’une foi inĂ©branlable en la promesse Divine lors du passage de la mer rouge. Ils n’hĂ©sitĂšrent point Ă  s’y prĂ©cipiter lorsque leurs oreilles entendirent : “Ordonne aux BneĂŻ IsraĂ«l de se mettre en marche.” (ChĂ©mot 16 ; 15)

Pour finir, le dĂ©sert symbolise la modĂ©ration dans la jouissance des biens matĂ©riels, afin d’ĂȘtre capables de recevoir la Torah. Comme il est Ă©crit au sujet de Yaakov : “ 
 du pain pour se nourrir et des vĂȘtements pour se couvrir
” (BerĂ©chit 28 ; 20) La course effrĂ©nĂ©e aux biens matĂ©riels ne s’accorde pas avec les principes de notre Torah. Le dĂ©sert symbolise le rĂ©ceptacle que tout homme doit ĂȘtre. Celui qui voudra ĂȘtre ”MĂ©kabel Ăšte HaTorah/acquĂ©rir la Torah” devra ĂȘtre humble et se considĂ©rer Ă  sa juste mesure : tels la poussiĂšre de la terre, le sable… (tout en Ă©tant conscient de sa valeur intrinsĂšque). Il faut savoir dĂ©passer le matĂ©riel de ce monde pour laisser la place Ă  la spiritualitĂ©. La Torah ne pĂ©nĂštre en nous que si nous lui faisons de la place. Le dĂ©sert symbolise Ă©galement la confiance illimitĂ©e en Hachem puisque le peuple L’a suivi dans le dĂ©sert, dans un pays aride et dĂ©nuĂ© de tout. Tout comme le dĂ©sert ne produit aucun fruit, la Torah doit se pratiquer dans un Ă©lan de piĂ©tĂ© excluant tout calcul, dans un total dĂ©sintĂ©ressement, sans attendre de rĂ©compense ici-bas. Ce que l’on appelle la Torah Lichma.

Le Rav Dessler nous enseigne que l’on ne peut prendre que ce qui a Ă©tĂ© donnĂ©, et que l’on ne peut acheter (avec de l’argent et des efforts pour rĂ©aliser cet achat) que ce qui est offert Ă  la vente.
Celui qui dĂ©sire recevoir la Torah doit se trouver lĂ  oĂč on la « vend », c’est-Ă -dire dans les maisons d’Ă©tudes ou dans les synagogues. Toutefois elle ne s’acquerra qu’au prix d’un effort intensif.
Chavouot et Kabalat Hatorah ne se feront qu’avec un enthousiasme, une humilitĂ© et un don de soi illimitĂ©s !

Rav Mordékhaï Bismuth