7 novembre 2025

VAYERA: Faut-il vérifier la sincérité d’une personne qui désire se convertir ?

« Qu’on prenne, je vous prie, un peu d’eau, et lavez vos pieds, puis reposez-vous sous l’arbre. »
(Berechit18,4)

Rachi commente : « Sous l’arbre “Ets”» – c’est-à-dire sous larbre “le Ilan”


La question : faut-il vérifier la sincérité d’une personne qui désire se convertir ?

Notre patriarche Avraham Avinou fut le premier à créer une véritable œuvre de rapprochement, amenant les hommes sous les ailes de la Présence divine. Mais son but n’était pas de multiplier les adhésions : il cherchait avant tout la sincérité et la profondeur d’engagement de ceux qui venaient à D.ieu.

Dans la paracha de cette semaine, trois anges se présentent à lui sous l’apparence d’Arabes. Avraham leur dit :
« Qu’on prenne un peu d’eau et lavez vos pieds » – יִקַּח־נָא מְעַט־מַיִם וְרַחֲצוּ רַגְלֵיכֶם.

Rachi explique :
Il voulait qu’ils enlèvent la poussière de leurs pieds, afin d’effacer toute trace d’idolâtrie, car il pensait qu’ils étaient des Arabes qui se prosternent devant la poussière de leurs pieds. Il était méticuleux à ne pas introduire l’idolâtrie dans sa maison.
(Baba Metsia 86b)

Avraham veillait donc à éliminer toute influence étrangère, extérieure comme intérieure.


« Sous l’arbre » ou « sous l’ilan » ?

Le verset poursuit :
« …et reposez-vous sous l’arbre » – וְהִשָּׁעֲנוּ תַּחַת הָעֵץ.

Rachi précise : Sous l’arbre (אילן).
Mais pourquoi change-t-il le mot ‘ets (עֵץ) par ‘ilan (אילן) ?
Peut-être parce que ‘ets évoque le bois mort, tandis que ‘ilan désigne un arbre vivant. Ce détail cache un enseignement plus profond.


Le Zohar éclaire ce mystère

Le Zohar (102b) rapporte qu’Avraham avait pour habitude, lors de ses voyages, de planter un arbre à chaque étape. Mais aucun de ces arbres ne prenait racine, sauf lorsqu’il arriva dans les plaines de Mamré. Cet arbre-là possédait une particularité : il permettait de vérifier la sincérité de ceux qui venaient se convertir, comme une sorte de portique spirituel.

Avraham faisait passer ses invités sous cet arbre : s’ils étaient sincères, l’arbre déployait ses branches pour les accueillir ; sinon, il restait immobile.
Ainsi, Avraham ne se contentait pas d’enlever la poussière extérieure, il vérifiait aussi la pureté intérieure.


Être intérieur comme extérieur

La Guemara enseigne qu’il faut être tokho kevaro – « intérieur comme extérieur ».

Cette expression mélange l’hébreu et l’araméen, et cela n’est pas anodin.
Tokho (תוכו – son intérieur) contient les lettres כו, et kevaro (כברו – comme son extérieur) contient aussi כו. La valeur numérique de כו est 26, correspondant au Nom divin (YHVH).

Cela enseigne que l’homme doit être habité par le Nom d’Hachem à l’intérieur comme à l’extérieur.


L’« ilan » et la émouna

La guematria du mot ilan (אילן) est 91, identique à celle du mot Amen, racine du mot émouna (foi).
De même, le psaume 91 (Yochev besseter Elyon) est consacré à la confiance absolue en D.ieu.
L’arbre d’Avraham révélait donc la foi véritable : celui qui croit vraiment en D.ieu ne peut pas tomber dans l’idolâtrie.

Avoda zara signifie littéralement « service étranger » : c’est croire qu’il existe une autre force que D.ieu.
Nos Sages enseignent que « celui qui se met en colère, c’est comme s’il servait une idole », car la colère traduit la croyance que ce qui nous arrive dépend d’un autre que D.ieu.

C’est précisément ce qu’Avraham voulait vérifier : la foi pure, sans mélange.


Nettoyer ses pieds – purifier ses habitudes

Le verset dit :
« Qu’on prenne un peu d’eau et lavez vos pieds » (יִקַּח־נָא מְעַט־מַיִם וְרַחֲצוּ רַגְלֵיכֶם).

Le mot regel (pied) vient du mot raguil (habituel).
Nettoyer ses pieds signifie donc : se détacher de ses habitudes.

Comme D.ieu dit à Avraham dans Lekh Lekha :
« Quitte ton pays, ta ville et la maison de ton père. »
Quitte tes habitudes, ton confort, ton passé.
On ne peut pas être connecté à deux mondes à la fois – comme des écouteurs Bluetooth : ils ne peuvent être connectés à deux appareils simultanément.


Faut-il vérifier la sincérité des candidats à la conversion ?

Oui.
Il faut s’assurer de leurs motivations profondes.
Est-ce vraiment par amour d’Hachem et de Sa Torah, ou pour d’autres raisons : mariage, avantage matériel, position sociale ?

Avraham Avinou nous enseigne que la conversion n’est pas une formalité administrative, ni une régularisation de situation.
C’est un engagement total envers Hachem.

Nous ne cherchons pas la quantité, mais la qualité.
La conversion n’est pas destinée à « diplômer des non-juifs », mais à accueillir ceux dont le cœur aspire sincèrement à la vérité divine.


Avraham Avinou nous enseigne à purifier nos pieds – nos habitudes – pour marcher avec Hachem.
À nettoyer non seulement la poussière extérieure, mais aussi les traces intérieures.
À être tokho kevaro – cohérents et authentiques, porteurs du Nom divin en nous, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Rav Mordekhai Bismuth