4 novembre 2025

Nasso: Redonner confiance

Les sujets principaux de la Paracha sont la Sotah et le Nazir et sont liĂ©s : celui qui voit une femme infidĂšle dans sa dĂ©gradation, devra se retrancher des tentations en devenant Nazir et en s’abstenant de boire du vin. Le vin reprĂ©sentant les plaisirs de ce monde et la frivolitĂ© pouvant entrainer des comportements prohibĂ©s par la Torah, dont l’exemple de la Sotah.

Le cas du Nazir soulĂšve plusieurs interrogations. D’aprĂšs la Halakha le nazir ne peut boire de vin, de jus de raisin ni mĂȘme consommer des raisins. L’interdit du vin est comprĂ©hensible, mais qu’en est-il du jus de raisin ou des fruits de la vigne, en quoi peuvent-ils provoquer un comportement nĂ©gatif, on ne peut se saouler avec du raisin ? En revanche, tous les alcools devraient lui ĂȘtre prohibĂ©s ce qui n’est pas le cas. Un Nazir peut boire de la biĂšre et mĂȘme du Whisky. Le Nazir a deux autres interdits, il ne peut se rendre impur Ă  cause d’un mort, et ne peut pas se couper les cheveux. Son vƓu devra durer au minimum trente jours et au terme de cette pĂ©riode, il se rasera. Ses cheveux seront placĂ©s dans le feu, Ă  l’endroit oĂč l’on brĂ»le les Korbanot au Beth Hamikdach.

À propos des interdits du Nazir, on comprend qu’il s’éloigne des raisons qui peuvent le pousser Ă  fauter.  Pourquoi l’empĂȘcher d’ĂȘtre en contact avec les morts ? En effet, bien souvent la vision d’un mort et le deuil de façon gĂ©nĂ©rale poussent l’homme Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  la raison de sa venue dans ce monde, il comprend que lui aussi devra le quitter tĂŽt ou tard, et cela accroĂźt sa crainte du ciel.  Si un homme veut se remettre en question, ce qui semble ĂȘtre le cas du Nazir qui fait une sorte de vƓu d’abstinence, il devrait justement se rendre dans une maison d’endeuillĂ©s. Pourquoi donc empĂȘcher tout contact avec les morts ?

À propos de Yossef (parachat Mikets) il est Ă©crit qu’il Ă©tait d’une grande beautĂ©. Rachi prĂ©cise qu’il se coiffait et soignait sa coupe de cheveux. Il avait de longs cheveux qu’il peignait. C’est alors que D
 dit, « tu es en train de te faire beau, Je vais t’envoyer l’épreuve du loup avec la femme de Potifar ». Il s’agissait d’une Ă©preuve de Arayot (relations interdites). Depuis qu’il a quittĂ© son pĂšre, Yossef avait fait le vƓu de Nezirout. Or une longue et jolie chevelure embellit l’homme. Encore une fois, si on dĂ©sire que le Nazir s’écarte des tentations, pourquoi lui demander de se laisser pousser les cheveux ? « J’ai créé un mauvais penchant et la Torah en tant que remĂšde » Le Messilat Yecharim explique que tout homme naĂźt avec des mauvais traits de caractĂšre. La seule maniĂšre d’avancer et d’amĂ©liorer ses Midot, est d’étudier la Torah, elle affine le caractĂšre de l’homme.

Un malade se rendra chez le meilleur des mĂ©decins et se devra d’écouter sa prescription et de prendre les mĂ©dicaments indiquĂ©s, sinon il n’a aucune chance de guĂ©rison. On parle d’un homme qui a vu une Sotah dans la pire des situations, il a peur de succomber Ă  son mauvais penchant, et dĂ©cide de s’éloigner des causes de la faute. Or le remĂšde vient d’ĂȘtre citĂ©, la seule solution face Ă  la force du mauvais penchant est la Torah. Pourquoi ne pas conseiller au Nazir de s’asseoir et d’étudier. Existe-t-il un autre remĂšde au Yetser Ara ?

Les Pirkei Avot affirment « Ne te considĂšre pas comme un homme mauvais Ă  tes yeux ». À qui s’adresse la Michna ? Il s’agit forcĂ©ment d’un homme qui a mal agi, car pourquoi sinon avoir une mauvaise image de soi ? On parle Ă  un racha et on lui dit quant bien mĂȘme tu es un homme mauvais, ne te considĂšre pas de la sorte. Comment comprendre la Michna ? Doit-on se mentir Ă  nous mĂȘme ? Le Rambam explique que c’est une façon de prĂ©server l’homme de la faute, Ă  force de se voir comme un racha, plus rien ne l’effraie. Puisqu’il est dĂ©jĂ  mauvais autant continuer Ă  fauter, il n’a dĂ©sormais plus de limites. L’homme n’a plus rien Ă  perdre, donc toutes les bĂȘtises du monde sont ouvertes, il peut fauter sans mauvaise conscience. Il ne s’agit pas de se mentir Ă  soi-mĂȘme, mais d’avoir en tĂȘte qu’on est et sera Ă  jamais des fils de roi. Un juif doit toujours se considĂ©rer positivement, non pas par orgueil, mais pour Ă©viter de tomber encore davantage. On le voit au sujet des vĂȘtements, quelqu’un habillĂ© de maniĂšre respectueuse avec un costume, un chapeau, une cravate n’osera pas se rendre dans des endroits mĂ©prisants, malfamĂ©s 
 L’habit protĂšge l’homme, lui donne un statut social, un sentiment de grandeur, tel est son intĂ©rĂȘt.  En revanche, celui qui s’accoutre de jeans ou de vĂȘtements dont le style est nĂ©gligĂ© ne pourra les utiliser comme protecteurs. Au contraire, ils lui donnent un sentiment de mĂ©pris, et puisqu’il est mĂ©prisable tout est permis.

Que signifie que le Nazir a vu la Sotah dans sa dĂ©gradation, littĂ©ralement « bekilkoula » ? Le Rosh Yechiva de Slabodka, prĂ©cise que le Nazir n’a pas vu la Sotah fauter, il ne l’a pas vu mourir. Le Kohen doit la mĂ©priser, essayer de la perturber au maximum pour la forcer Ă  avouer sa faute et qu’on n’ait pas besoin d’effacer le nom de D
. Le Nazir voit la honte qu’on inflige Ă  cette femme. MĂȘme dans le cas oĂč elle Ă©tait pure et qu’elle a juste Ă©tĂ© soupçonnĂ©e, l’homme doit faire le vƓu de Nezirout. En effet, peu importe finalement si elle a fautĂ© ou pas. Le problĂšme vient du fait d’avoir vu cette femme mĂ©prisĂ©e. Il a perdu la notion d’honneur due Ă  un ĂȘtre humain. Le but n’est pas de l’éloigner des tentations, on a bien vu qu’il peut boire du Whisky ou toute autre sorte d’alcool. On cherche ici Ă  lui redonner l’honneur qui sied Ă  un ĂȘtre humain, sentiment amoindri par le mĂ©pris infligĂ© Ă  la Sotah.

Si le Nazir et le Kohen Gadol voient un cadavre dĂ©laissĂ©, pour lequel ils ont l’obligation de se rendre impurs, personne d’autre ne pouvant l’enterrer (MĂšt Mitsva), la Guemara demande qui est prioritaire pour accomplir cette Mitsva ? On met le Nazir au mĂȘme niveau que le Kohen Gadol. Afin de rĂ©parer le manque de Kavod qu’il a vu, on lui donne beaucoup de respect allant jusqu’à le comparer au Kohen Gadol. Cependant, on ne peut lui donner tous ces honneurs sans effort de sa part, on lui demande donc de prononcer un vƓu et de prendre sur lui de ne pas consommer du vin pendant trente jours. Le Nazir vient du mot Nezer signifiant une couronne selon le Ibn Ezra. Toutes les lois qui lui sont propres tournent autour de cette idĂ©e, ne pas voir l’homme dans une mauvaise position, on veut relever le kavod chez lui. On insiste sur le fait qu’il est fils de roi. Il doit se laisser pousser les cheveux, or il est tellement saint que mĂȘme ses cheveux le sont. Une fois qu’il les rasera, on les placera dans l’endroit le plus saint, lĂ  on l’on brĂ»le les Korbanot. On lui montre lĂ  oĂč un homme peut arriver. Le but du Nazir n’est pas de lutter contre le Yetser Ara, mais de remonter le kavod d’un homme.

Avant de recevoir la Torah, Hachem dit aux Benei IsraĂ«l, « vous ĂȘtes une assemblĂ©e de prĂȘtre et un peuple saint ». L’introduction Ă  la Torah est dĂ©jĂ  de renforcer ce sentiment en lui qu’il est fils de roi, aprĂšs tu peux commencer Ă  Ă©tudier et Ă  respecter la Torah. Lorsque le Nazir voit la Sotah on ne lui dit pas va Ă©tudier, on travaille en amont, on cherche Ă  renforcer son sentiment de grandeur.

On retrouve cette notion en Ă©ducation. La Guemara raconte que le fils de Rabbi Chimon Bar Yohai, Rabbi Elazar, mourut jeune et laissa un jeune adolescent orphelin. PrivĂ© d’un pĂšre pouvant le guider, il sortit petit Ă  petit du chemin indiquĂ© par ses ancĂȘtres et commit des fautes. Un des TannaĂŻm voyant cela, ne put s’empĂȘcher d’agir, comment imaginer que le fils de Rabbi Elazar, petit-fils de Rabbi Chimon Bar YohaĂŻ pu se comporter de la sorte. Il se lia d’amitiĂ© avec le jeune homme et l’appela Rebbi, mon maĂźtre, il lui donna beaucoup de respect, le plaça Ă  l’endroit oĂč les Rabbanim Ă©taient assis, insista pour lui prouver qu’il n’était pas n’importe qui, mais un homme trĂšs respectable. Petit Ă  petit, ce jeune enfant devint Rabbi Yossi ben rabbi Elazar et suivit la trace de ses remarquables aĂŻeuls.

Il est frĂ©quent de voir des dĂ©fauts chez nos propres enfants sans savoir d’oĂč ils viennent. On ne comprend pas pourquoi ils ne sont pas construits comme nous et pourquoi de mauvaises maniĂšres ou traits de caractĂšre s’installent. ExaspĂ©rants au dĂ©but, les parents ont tendance Ă  devenir mĂ©prisants et une mauvaise relation s’installe. Il est fondamental de garder des liens forts basĂ©s sur le respect mutuel. Un ĂȘtre humain qui sent qu’on le respecte est prĂȘt Ă  faire des efforts et Ă  s’amĂ©liorer. Plus un parent respecte profondĂ©ment son enfant, plus la relation est de qualitĂ©.

Rav MichaĂ«l GUEDJ – Roch Kollel Daat Chlomo Bnei Brak