25 avril 2024

DOIT–ON SUIVRE L’AVIS DE LA MAJORITÉ?

« Et, s’étant attroupés autour de Moché et d’Aaron » (16;3)

Une forte clameur se fit entendre au sein du campement d’Israël : nous voulons la démocratie ! Kora’h est le premier à l’avoir exigée : “Toute la communauté, tous sont des saints, et au milieu d’eux est le Seigneur; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l’assemblée du Seigneur ?”. Que Moché se porte candidat face à Kora’h dans le cadre d’élections démocratiques véritables et que le peuple puisse faire entendre sa voix !

La Torah elle-même a fixé des règles de conduite démocratique : si une question est présentée devant les Sages siégeant au Sanhédrine, tous les juges se réunissent pour en débattre. Chaque juge, les anciens comme les jeunes, dispose d’une voix, et si les avis sont partagés on applique la règle de la majorité : “Dans le sens de la majorité, pour faire fléchir la justice” (Chémot 23-3). Si c’est la démocratie qui prime, quelle était donc l’erreur de Kora’h ?

L’histoire véridique qui va suivre va éclaircir notre question : dans la ville de Neuychtat vivait un enfant prodige juif âgé de cinq ans environ. Le seigneur de la région entendit parler de cet enfant surdoué et lui ordonna de se présenter seul à son château. Il ordonna à ses domestiques de se cacher dans leurs chambres, et lui-même alla se poster derrière le rideau de la fenêtre de sa chambre pour surveiller l’arrivée imminente de l’enfant dans la cour du château. Il vit alors le petit enfant passer la porte ouverte du château et regarder autour de lui la cour vide. Le front de l’enfant se plissa d’inquiétude, personne ne pouvait lui indiquer où se trouvait le seigneur, l’endroit était désert ! Le tendre enfant dirigea son regard vers l’imposant château et soudain ses yeux s’éclaircirent. Il entra dans le château en courant et en l’espace d’un instant, il toqua à la porte du seigneur… Surpris, le seigneur ouvrit la porte et demanda : “Comment savais-tu que j’étais là ?” L’enfant répondit : “J’ai constaté que la cour était déserte et j’ai compris que tous les domestiques avaient reçu l’ordre de se cacher dans leurs chambres. Ensuite, j’ai observé le château et j’ai vu que tous les volets étaient fermés sauf ceux d’une seule chambre. J’en ai alors déduit que vous vous cachiez dans cette chambre derrière le rideau pour m’observer et j’ai su dans quelle pièce vous trouver”.

Le seigneur fut convaincu de l’intelligence exceptionnelle de cet enfant et l’idée satanique de le convertir à sa religion lui traversa soudain l’esprit. Il lui dit : “Pour sûr, tu dois connaître le verset de la Torah qui affirme qu’on doit suivre l’avis de la majorité”… “Bien sûr”, répondit l’enfant. ” Si c’est ainsi, tu dois savoir que nous, les Goyim, sommes plus nombreux que vous, les Juifs. Tu dois donc te convertir !“.

L’enfant sourit et rétorqua : “Mon seigneur, cela ne convient pas à une personne de votre rang de s’exprimer de la sorte. Voyez-vous, si vous n’aviez pas donné l’ordre à vos domestiques de se cacher, j’aurai interrogé certains d’entre eux pour savoir où vous trouver. Trois domestiques m’auraient indiqué de me rendre au premier étage et dix autres au deuxième étage. Je serais alors monté au deuxième étage car, comme le dit le verset, il faut suivre l’avis de la majorité. Cependant, dans la situation présente, je sais pertinemment que vous êtes au deuxième étage; si je sors maintenant dans la cour, et que cinquante personnes me disent que vous êtes au premier étage, vais-je les écouter ?! Quand je sais, je n’ai pas besoin de suivre la majorité. Cela s’applique aussi en ce qui concerne la religion. Je sais que la vérité ne se trouve que dans le Judaïsme qui a été transmise par Dieu lui-même à nos ancêtres au Mont Sinaï, alors peu m’importe que le monde entier soit idolâtre”.

C’est ainsi que le petit enfant sortit vainqueur de la confrontation avec le grand seigneur. Ce fut là l’erreur de Kora’h. La démocratie est bonne quand on ne sait pas qui élire. Mais si Dieu lui-même a choisi Moché, il est certain qu’il convenait le mieux pour diriger…

Rav Moché Bénichou