18 avril 2024

Vezot Haberakha : Finir par comprendre

« Et il ne s’est plus levé de prophète en Israël comme Moché, auquel Hachem S’est fait connaître face à face… et pour toute la main forte, et pour toute la grande terreur qu’a faites Moché aux yeux de tout Israël. » Dévarim (34 ; 10-12)
Rachi vient nous expliquer les derniers mots de la Torah : « aux yeux de tout Israël », en disant : « Son cœur l’a poussé à briser les Tables de la Loi sous leurs yeux ».
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Torah ne termine pas avec un « happy end », mais au contraire en rappelant un évènement plutôt dur, celui de la destruction des Tables de la Loi après la faute du veau d’or.
Pourquoi se quitter sur un épisode aussi triste ? Quel est le sens de l’acte de Moché et en quoi est-il important ?
La Torah vient nous rappeler le grand acte de Moché et souhaite que nous en percevions l’utilité et les conséquences positives.
Au moment où tout le peuple d’Israël s’apprête à clôturer la lecture des cinq Livres et à fêter Sim’hat Torah, Hachem, estimant ce moment particulièrement propice, nous transmet alors un précieux message afin de mieux recommencer une nouvelle lecture de la Torah et une nouvelle année.
Comme nous le savons et le constatons tous, nous sortons ce jour-là dans nos communautés, tous les Sifrei Torah et leurs accessoires du Heikhal.
Les fidèles ne lésinent pas sur l’achat des Mitsvot, comme l’ouverture, la fermeture du Heikhal, ou le port du Séfer Torah.
On dépense de belles sommes pour les Rimonim ou autre décoration du Séfer Torah. Cet aspect de la Torah nous plaît, ce sont des moments forts. Chantez, dansez, Kavod à la Torah !
Les synagogues sont pleines : des hommes « ivres » de joie, des femmes « armées » de bonbons, et des enfants munis de leur mini Sefer Torah en peluche qui imitent les grands. Personne ne manque ce grand évènement tellement spécial.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous explique cet engouement et les risques qu’il comporte, si l’on ne s’en tient qu’à cela, au moyen de la parabole suivante :
C’est l’histoire de Rivka et Sarah, deux sœurs aux destins opposés.
Rivka épousa un homme riche, elle connait les voyages, les hôtels, les bijoux et mène une vie de grand standing. Sarah quant à elle, épousa un homme de condition modeste, ils bouclent tout juste les fins de mois, le mobilier est le même depuis le début du mariage, ses vêtements sont un peu démodés, etc.
Après quelques années, Rivka et Sarah se rencontrent.
Rivka demande à sa sœur : « Puis-je te poser une question ? Comment peux-tu être aussi heureuse en vivant tellement à l’étroit ? »
Sarah lui répondit par la question inverse : « Pourquoi es-tu aussi triste malgré ton train de vie de princesse ? » suite p3
Alors Rivka lui expliqua : il est vrai qu’elle avait déjà fait deux fois le tour du monde, qu’elle ne manquait de rien, ni de vêtements, ni de bijoux…  mais son mari ne la considérait pas comme sa femme. Il ne lui demandait jamais conseil, ne la consultait pour rien, elle se sentait aussi importante que la belle bibliothèque qui trônait dans leur salon.
Et Sarah à son tour lui décrivit sa vie. Il est vrai que son mobilier n’avait jamais changé, que ses vêtements n’étaient pas renouvelés souvent… mais son mari la considérait vraiment comme sa femme, il s’inquiétait de sa santé, sa vie, c’était leur vie, son avis était primordial…
C’était cette considération qui rendait Sarah heureuse, tandis que c’était l’absence de considération qui rendait Rivka malheureuse.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous explique ensuite que la Torah est notre « Échet ‘Hayil », cependant il y a deux types de comportements que l’on peut adopter à son égard : la considérer et la consulter, ou bien s’en tenir à l’orner de Rimonim et de beaux tissus.
Ne soyons pas comme le « Mr Rivka », pour qui sa femme n’est qu’une accompagnatrice, mais avec qui, il ne vit pas.
On peut acheter, décorer, honorer la Torah, mais il ne faut pas s’arrêter là. On doit consulter la Torah, la craindre, la respecter, l’écouter, vivre avec Elle et pour Elle. C’est là, la véritable considération.
En cassant les Tables de la Loi après la faute du veau d’or, Moché nous a enseigné que la Torah n’était pas juste faite pour rester dans les Arone Hakodech. On ne peut pas vivre avec le veau (exclure la Torah) et posséder la Torah (dans une boîte).
Si on ne pratique pas la Torah, il n’y a pas de Torah, on ne peut pas se dire respecter et aimer la Torah en dansant avec elle ou l’ornant de jolies décorations, et d’un autre côté ne pas écouter ses Lois. Ce serait lui faire un affront, se moquer d’Elle !
Moché, devant leur comportement irrespectueux, a dû briser les Tables de la Loi parce qu’elles n’étaient plus d’aucune utilité. Nous devons comprendre que la Torah nous a été donnée afin d’être respectée et pratiquée.
Si, après la lecture de 54 parachiotes retraçant l’histoire de nos Patriarches, la sortie d’Égypte, le don de la Torah… nous n’avions toujours pas compris le message, la Torah en guise de conclusion, nous dit les choses sans équivoque, en mentionnant pour conclure l’évènement majeur des Tables de la Loi brisées.
Avant d’entreprendre nos achats pour Sim’hat Torah, rappelons-nous que le but principal du don de la Torah est de l’étudier en vue de l’appliquer.
Même si l’un n’empêche pas l’autre, le plus grand bonheur pour une femme, n’est pas tant les cadeaux et leurs valeurs, que l’intention qui a motivé leur achat, l’attention et l’effort qui l’ont accompagné.
Jusqu’à quand un ‘Hatan est-il considéré comme ‘Hatan ? Tant qu’il considère sa Cala comme une reine.Notre peuple est marié à la belle Torah, traitons-la comme il se doit, avec tous les égards qu’elle mérite, et nous serons souverains parmi les peuples.

Rav Mordekhai Bismuth