25 avril 2024

A Torah scroll at the Chassidic Chabad dynasty at the Chabad house in Brooklyn, NYC, United States, during the Jewish holiday of Sukkot, on September 20, 2018. Photo by Mendy Hechtman/Flash90 *** Local Caption *** ??? ???? ????? ???? ??????? ???? ??? ?????? ????? ??''? ??? ????? ????? ???????

Le but de l’attente

Hakadoch Baroukh Hou délivre les Bneï Israël dans le seul but de leur donner la Torah, comme il est dit : « Quand tu auras fait sortir le peuple d’Égypte, vous servirez Ha-Elokim sur cette montagne » (Chémot 3;12).

Les commentateurs demandent pourquoi la Torah préfère employer le futur « vous servirez/תַּעַבְדוּן », plutôt que l’impératif « servez/תַּעַבְדוּ ». Ils répondent que c’est pour nous informer que le don de la Torah ne suivrait pas immédiatement la sortie d’Égypte, mais aurait lieu après une période d’attente de cinquante jours. Ils y voient une allusion dans la lettre « noun » [du mot תַּעַבְדוּן], qui a pour valeur numérique 50.

Pourquoi fallait-il attendre ? N’aurait-il pas mieux valu recevoir la Torah immédiatement !?

Cette période est une transition, une préparation pour être digne de recevoir la Torah.

Le Midrach illustre cette idée à l’aide de la parabole suivante : Le fils du roi tomba gravement malade et dut être hospitalisé pendant une longue période. Après ce long séjour, il retrouva la santé et revint au palais royal.

Les conseillers royaux suggérèrent à son père qu’après cette longue période, il serait bon que le prince entreprenne des études afin qu’il puisse acquérir des connaissances dignes d’un prince.

Le roi accepta la proposition de ses conseillers, mais leur expliqua que le moment était précoce pour commencer. Le prince venant juste de se rétablir, il avait besoin d’une convalescence pour retrouver les forces nécessaires pour entreprendre ces études.

C’est ainsi que le roi accorda à son fils une période de convalescence et de rétablissement avant de commencer les études. Il en était de même pour les Bneï Israël, après leurs deux cent dix ans d’esclavage dans des conditions éprouvantes, tant pour le corps que pour l’âme. Pour le corps, par l’esclavage et les travaux forcés et pour l’âme, par l’atmosphère immorale de l’Égypte où ils avaient sombré au 49ème degré d’impureté.

Dès leur sortie d’Égypte, les anges ont conseillé à Hakadoch Baroukh Hou de leur donner la Torah. Mais Il leur répondit que les Bneï Israël devaient d’abord se remettre de cet exil égyptien si éprouvant.

C’est ainsi que pendant cinquante jours, les Bneï Israël se renforceront physiquement comme spirituellement. Ils renforceront leur corps en se nourrissant de la manne et des cailles et en buvant l’eau du puits de Myriam. Ils affermiront  leur âme et leur foi grâce à la traversée de la mer Rouge et la guerre contre Amalek. Ce ne sera qu’après ce processus que les Bneï Israël seront aptes à recevoir la Torah.

Ainsi, pendant cinquante jours, les Bneï Israël vont faire l’effort de quitter leurs 49 degrés d’impureté pour s’élever et accéder aux 49 degrés de tahara/pureté qui seront leur ticket d’entrée au mont Sinaï. (L’aspect de cette tahara/purification sera exposé plus en détail ultérieurement.)

Le Rav Pinkus zatsal explique que chaque jour de la Séfirat Haômère ne doit pas constituer une distance entre nous et Chavouot. Au contraire, il doit représenter une opportunité pour nous préparer au mieux au don de la Torah.

Chacun des cinquante jours est une opportunité réelle de nous construire et de nous enrichir spirituellement.

Il ne faut pas sous-estimer la préparation à la réception de la Torah par le biais du Compte du Ômère, vu l’importance du jour du Don de la Torah.

La Torah dit :  «Yaakov travailla pour Ra’hel sept années ; elles furent à ses yeux comme quelques jours, en raison de son amour pour elle. » (Beréchit 29;20). Lorsque Yaakov Avinou demanda Ra’hel en mariage, Lavan exigea de lui sept ans de travail en échange de sa fille. La Torah raconte que ces sept années ont passé extrêmement vite pour Yaakov, « comme quelques jours ».

Le Rav Aaron Kotler zatsal demande comment cela est possible : ces sept années auraient dû lui paraître interminables, au contraire ! En effet, lorsque l’homme attend une chose qu’il désire, cette attente lui semble longue.

Le Rav Kotler répond que Yaakov considérait ces jours non pas comme une simple attente, mais comme des jours de construction. Yaakov savait qu’il devait optimiser chaque jour de ces sept années pour se construire et s’élever, afin de fonder avec Ra’hel le Klal Israël. C’est pour cette raison que le temps ne lui a pas paru long. Lorsque l’on a des projets, le temps passe toujours très vite.

Le Rav Pinkus Zatsal l’explique à l’aide de la parabole suivante. Imaginez qu’une personne apprenne qu’elle recevrait cent jours plus tard la somme d’un million de dollars.

Dans un premier cas, ces cent jours lui paraîtront une éternité car ces jours sont pour lui un obstacle entre le jour de l’annonce et le jour de la réception de cette somme d’argent.

Cependant, si cette personne reçoit durant cette période mille dollars par jour, elle se rapproche chaque jour du million, elle progresse. Aujourd’hui, elle possède davantage qu’hier. Pour elle, ces jours fileront.

Quelle est la différence entre ces deux cas ?

Dans le premier, cette période de cent jours est une attente pénible, des jours vides. Mais pour le second, chaque jour est une progression ; il a reçu quelque chose, il a construit. Chaque jour est une nouvelle brique de son bâtiment, chaque jour il s’enrichit. Il avance dans le temps, il n’attend pas que le temps passe !

Il en est de même pour Yaakov Avinou Pendant les sept années d’attente de son mariage à Ra’hel, il considérait chaque jour comme une brique.

Au cours de cette période, il construisit des fondations solides et essentielles pour être digne de devenir le père des Bneï Israël. C’est ainsi que ces années « furent à ses yeux comme quelques jours ».

Nous aussi, entre Pessa’h et Chavouot, sommes dans cette attente de recevoir la Torah. Si nous devions seulement attendre une date, alors nous aurions compté ainsi : 49, 48, 47… comme une personne qui attend que le temps passe.

Mais étant donné que ces jours sont des jours de préparation, de construction, nous allons avancer dans le temps et nous rapprocher du don de la Torah, sans attendre placidement la date de la fête de Chavouot.

La Séfirat Haômère représente 49 jours de construction de soi pour recevoir la Torah, 49 jours de progression, d’évolution. Nous devons être en mode de « mossif ve olekh /aller en augmentant », comme il est écrit par allusion dans la Torah : « אֵלֶּה תֹּלְדוֹת יַעֲקֹב יוֹסֵף /voici les générations de Yaakov, Yossef… » (Beréchit 37;2). Car le nom de Yossef rappelle la notion de « mossif »/augmenter. Cela nous apprend que l’héritage de Yaakov est de toujours aller de l’avant et pas d’attendre que le temps passe.

D’ailleurs, les expressions françaises « tuer le temps » ou « un passe-temps » représentent nettement ce concept étranger au mode de vie des Bneï Israël. Car comme le disent nos sages : « אין אבידה כאבידת הזמן/il n’y a pas de perte comme celle du temps ».

Le Rav Nissim Yaguen Zatsal montre parfaitement ce concept. Il explique que la fête du don de la Torah porte le nom de Chavouot parce que Hakadoch Baroukh Hou donne la Torah à celui qui s’y est préparé. Celui qui ne se sera pas préparé ne recevra rien.

Chavouot est le nom de l’époque de préparation.

Par exemple, lorsqu’un étudiant reçoit son diplôme de médecine après sept ans d’études, on n’appelle pas cette cérémonie « la fête du diplôme ». Le diplôme en lui-même ne vaut rien, ce n’est qu’un bout de papier. Le diplôme montre qu’il a étudié durant sept ans et qu’il a réussi l’examen. Le diplôme prouve combien et comment il s’est préparé à devenir médecin.

La fête du don de la Torah porte le nom de « Chavouot » pour nous enseigner que celui qui mérite de recevoir la Torah est celui qui s’est construit et préparé, pendant cette période de Séfirat Haômère.

Rav Mordékhaï BISMUTH