27 avril 2024

Michloa’h Manot

Introduction

Reprenons le célèbre verset de la Méguilat Esther (9;20-22) : « Mordékhaï mit par écrit ces événements et expédia des manuscrits à tous les juifs dans toutes les provinces du roi A’hachvéroch, proches ou éloignées, leur prescrivant d’observer le quatorzième jour du mois de Adar et le quinzième, d’année en année. Ces jours où les juifs s’étaient reposés de leurs ennemis et le mois qui s’était transformé de tristesse en joie et de deuil en fête, d’en faire des jours de festin et de joie et d’envoi de mets d’un homme à son prochain et de dons aux pauvres. »

On parle ici d’envoyer des mets à son prochain. Nous allons définir dans ce chapitre de quels mets il s’agit, combien en envoyer, à qui, de quelle manière les adresser et à quel moment.

Chaque mitsva à sa particularité. Découvrons les secrets des Michloah Manot !

L’origine de la Mitsva

La Guémara (Méguila 7a) nous enseigne dans une béraïta au nom de Rav Yossef, que la Mitsva de Michloa’h Manot est déduite du verset cité dans l’introduction.

Le pluriel du mot « présents/מָנוֹת » nous apprend que pour s’acquitter de la Mitsva, il faut envoyer au moins deux présents.

Et les mots « un homme à son prochain/איש לרעהו » que l’envoi à une seule personne suffit.

Par conséquent, pour accomplir la Mitsva, il faut donner deux présents à un juif.

Le Rambam (Hilkhot Méguila 2;15) souligne que plus on envoie des présents à de nombreuses personnes, plus on est digne d’éloges.

Outre cette déduction faite du verset, le ‘Hemdat Yamim nous dévoile une autre raison pour laquelle on envoie deux présents. Ces deux présents sont en souvenir des deux Michté (festins) qu’a organisé Esther pour le roi A’hachvéroch, des Michté qui avaient pour but de remporter la faveur du roi envers les juifs et annuler le décret qui les menaçait. Il a donc été instauré d’envoyer deux présents à son prochain en souvenir de cet épisode, et aussi pour nous gagner la faveur du destinataire du Michloa’h Manot.

Accroître amour, fraternité et unité

Si la Mitsva de Matanot laévionime/dons aux pauvres vient réjouir uniquement les pauvres, celle de Michloa’h Manot vient réjouir tout un chacun, les riches comme les pauvres.

Chacun se doit d’envoyer des Michloa’h Manot à tout destinataire, car la deuxième raison de cette Mitsva est de créer l’entente générale née de la joie et l’allégresse. L’harmonie entre les juifs viendra prouver fausses les paroles accusatrices de Haman. En effet, lorsque le méchant Haman vint proposer à A’hachvéroch son plan d’extermination du peuple juif, il s’exprima ainsi : « Il existe une nation disséminée et divisée parmi les autres nations » (Esther 3;8).

Le Maharal explique que l’essentiel de l’accusation fut : מְפֻזָּר וּמְפֹרָד/ disséminée et divisée, sans quoi l’accusation n’aurait pas été décisive. Les juifs n’étaient plus unifiés, ils ne formaient plus ce bloc invincible, ils étaient devenus des entités à part. Comme le dit le Midrach Tan’houma : « Un homme ne sera pas capable de briser un fagot de joncs, mais un enfant pourra aisément les casser un à un ».

On voit que les goyim eux- mêmes ont compris cette idée d’unité nécessaire pour vaincre. En effet, on constate que les forces mondiales, autrefois et actuellement, ont compris ce concept de s’unir pour vaincre, par exemple l’Union Soviétique, les Etats-Unis, l’Union européenne. Même si leur union n’est qu’extérieure, car au fond ils se méprisent les uns les autres, il n’en reste pas moins qu’ils sont bien compris que l’union fait la force.

Aussi, nous pouvons constater ces dernières années, dès que le peuple d’Israël est en danger, que soit par la guerre ou par tout autre acte dirigé contre nous, un éveil d’unité se crée au sein de la communauté.

Et très souvent, après que tout le monde se soit uni, c’est déjà la fin de la guerre.

Il est dit dans la Michna (Ouktsine 3,12) : Rabbi Chimone ben ‘Halafta dit : « Hachem n’a trouvé que la paix comme réceptacle de la bérakha pour Israël ». C’est par l’unité qui règne dans le peuple juif qu’Hachem annule toutes sortes de mauvais décrets qui pèsent sur lui.

Que faut-il en tirer ? D.ieu envoie peut-être toutes ces menaces pour nous unir. Ne serait-il pas plus simple de nous unir spontanément ? Pourquoi attendre la punition ?

La Guémara (Méguila 13b) nous montre clairement la façon dont Haman présente à A’hachvéroch le point faible du peuple : sa désunion, et insiste qu’il faut profiter de cette situation opportune où D.ieu n’est pas avec eux pour les vaincre.

Et c’est alors que tout le peuple s’unit, à travers le jeûne et la prière, pour renouer les liens avec Hakadoch Baroukh Hou.

La Mitsva de Michloa’h Manot a été instituée pour les générations suivantes afin de consolider et d’accroitre la fraternité et l’unité du Am Israël.

Rabbi Chlomo Elkabats dans « Manot Halévy » rapporte, au nom de Ibn Chouchane, que le but de cette Mitsva est d’accentuer la paix et l’affection au sein du peuple, contrairement à l’accusation d’Haman que le peuple était disséminé et divisé.

Le Sfat Emet écrit aussi que l’intérêt de la Mitsva est de susciter l’amour du prochain, car cet amour et cette unité sont une véritable arme pour vaincre Amalek et ses descendants, qui n’ont de force pour nous détruire que par le fruit de la haine gratuite au sein du peuple juif. Seule la force de l’unité nous permettra d’écarter notre ennemi, car l’amour éradique le mal.

L’unité est représentée par Mordékhaï, comme il est dit dans la Méguila : « מָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי/ Mordékhaï le juif », le Midrach (Esther 2;5) disant qu’il ne faut pas lire « מָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי » mais plutôt « מָרְדֳּכַי הַיְּחִדִי/ Mordékhaï l’unique » car il contenait tout Israël, c’est à dire que le nom de chaque juif était en lui, ce qui lui donnait cette force.

Lorsque deux personnes se rencontrent et se demandent de leurs nouvelles, en hébreu on dit : « Ma chelomekha ? ». Si on le traduit mot à mot, cela veut dire : « Comment va ta paix ? ». Le mot « chalom/paix » a la même racine que le mot « chalem/entier ».

En d’autres termes, la « paix » et « l’entièreté » dépendent l’une de l’autre. Ainsi, lorsqu’on demande « Ma chelomekha », cela revient à demander : comment vas-tu avec ton entourage, car un juif est un individu qui dépend des autres. Je connais une personne qui, lorsqu’on lui demande comment ça va, répond : « Si toi va ça, moi ça va ».

On apprend cela des trois anges Gabriel, Réfaël et Mikhaël venus rendre visite à Avraham Avinou. Rachi rapporte le Midrach qui enseigne que chaque ange est venu avec un message particulier : l’un pour annoncer à Sara la bonne nouvelle qu’elle aurait un fils, un autre pour détruire Sedom et le dernier pour guérir Avraham. Le Midrach précise qu’un messager céleste n’est jamais chargé de deux missions différentes. Or plus loin dans les versets, Rachi explique que le même ange Réfaël qui est venu guérir Avraham va sauver Lot. N’est-ce pas contradictoire à l’explication du Midrach ? Mais le « Sifté ‘Hakhamim » explique que la guérison ‘complète’ d’Avraham passait forcément par le sauvetage de Lot. Avraham ne pouvait être complètement rétabli et se sentir bien s’il savait son proche parent dans la détresse. Ainsi, ces deux missions avaient une seule et même nature. Mais cela va plus loin : l’Admour de Belz ( dans « Likouteï amarim téhorim ») dévoile une facette du but de la Mitsva de Michloa’h Manot.

À Pourim, les Bneï Israël ont accepté la Torah de plein gré et, chaque année à Pourim, cette même lumière du don de la Torah réapparaît. Cependant, chaque juif ne peut la recevoir individuellement. Aussi, grâce à cette Mitsva de Michloa’h Manot, un juif envoie un présent à un autre, qui en envoie à un autre, et ainsi de suite pour créer une chaîne d’unité au sein du peuple. De cette façon, tous les juifs peuvent recevoir la lumière de la Torah qui a illuminé tous les Bneï Israël à l’époque de Pourim.

Préparation du Michté

Le « Téroumat Hadéchène » enseigne que nos sages on institué cette Mitsva pour que chacun puisse avoir les aliments nécessaires pour faire le Michté (repas de fête). C’est pour cela que l’on ne s’acquittera pas de la Mitsva en envoyant à son prochain un cadeau tel qu’un vêtement, un livre ou un appareil électroménager… Même si ces objets ont de la valeur et qu’ils rendent le destinataire heureux, cela ne sera pas suffisant pour accomplir la Mitsva, car ils ne viennent pas lui ajouter des aliments pour son Michté. De plus, certaines personnes nécessiteuses n’ont pas le courage de demander la Tsédaka pour préparer leur Michté. Grâce aux Michloa’h Manot qu’elles ont reçus, elles pourront donc se réjouir sans éprouver de honte.

Effacer toute trace d’orgueil

Pourquoi nos Sages ont-ils institué une telle Mitsva ? Et pourquoi spécifiquement lors de la fête de Pourim, et pas à une autre fête de l’année ?

Le « Darkeï Moussar » rapporte au nom du Saba de Kelm une explication tirée de l’enseignement de nos Sages à

propos de la femme Sota.1 Il est écrit dans la Guémara (Nazir 2b) : « Pourquoi la section de la Torah concernant les lois du Nazir a-t-elle été juxtaposée à celle concernant les lois de la Sota ? Pour te dire que quiconque voit une Sota dans son humiliation devra se priver de vin. »

Quel rapport ? Pourquoi devrait-il se priver de vin ? Il n’a rien fait, il a juste été témoin ! Nos Sages viennent nous enseigner que ce n’est pas un hasard si l’on voit ou l’on est témoin d’une scène. Cette vision n’est pas une coïncidence, mais un message divin. Il faut l’interpréter et agir en conséquence. Dans le cas de la femme Sota, pourquoi s’abstenir de vin ? Car celui qui assiste à cette triste scène devra se dire que c’est le vin qui a dû créer un relâchement de sa moralité. Aussi, il devra s’imposer une barrière pour se préserver lui aussi, ne jamais arriver à une telle situation et ne pas tomber.

Chacun de nous devra donc prendre conscience, lorsqu’il assiste à une certaine scène, du message que D. lui adresse. Il aura à cœur de prendre des mesures adéquates pour éviter lui aussi de tomber. Ce comportement concerne tout un chacun, du plus simple jusqu’au plus grand des Rabbins. En effet, cela ressemble à une mauvaise graine qui a été semée dans notre champ ; si on ne réagit pas à temps, elle poussera et envahira peu à peu tout le champ.

On raconte qu’un jeune homme est venu voir le Steipeler pour lui parler d’un problème qui le préoccupait. Il raconta

au Rav qu’il n’arrivait plus à étudier depuis qu’il avait appris qu’un vol avait été commis à la yéchiva. Il n’arrivait pas à comprendre comment des garçons qui étudient la Torah pouvaient voler. À peine avait-il fini de parler que le Rav se leva subitement et se mit à arpenter la pièce, le visage contrarié. Il demanda au jeune homme de sortir de suite. Une fois son visiteur sorti, le Rav ne cessa de tourner dans la pièce. Inquiète, la Rabanit lui demanda ce qu’il se passait, et le Rav lui expliqua ce que le jeune homme lui avait raconté. La Rabanit ne comprenait pas pourquoi il avait réagi ainsi. Alors le Rav lui expliqua que si une telle histoire était arrivée à ses oreilles, cela signifiait qu’il avait un rapport avec cette histoire.

Par réaction, le Rav s’est enfermé un mois entier à étudier les lois concernant le vol, pour ne pas trébucher « lui aussi » dans le vol.

Alors faisons un raisonnement à fortiori : si le Steipeler a réagi ainsi lorsqu’il a entendu parler d’un vol, que dire de nous qui sommes aujourd’hui au courant de toutes les informations et des événements mondiaux : vol, violence et autres ?! C’est affolant…

Sur ce principe, nos Sages ont compris qu’il était nécessaire d’instaurer la Mitsva de Michloa’h Manot et précisément à Pourim.

En effet, à leur époque, les juifs ont pu voir Haman et son comportement cruel. Il était déterminé à anéantir un peuple entier pour la seule et unique raison que Mordékhaï ne se prosternait pas devant lui, alors que tout le reste du peuple se prosternait. Mais pour son caractère déplorable, ce refus de Mordékhaï de se soumettre à sa volonté était un affront insupportable. Logiquement, il aurait suffi d’éliminer Mordékhaï, et tout se serait arrangé.

Mais pour son orgueil, il n’était pas suffisant de tuer seulement Mordékhaï ; il devait agir en fonction, faire les choses en grand. Cela nous montre comment la prétention peut prendre le dessus sur l’homme, et le rendre prêt à détruire toute une nation, hommes, femmes et enfants, non pas pour conquérir une terre ou acquérir des trésors, mais uniquement pour sauver sa réputation. La haute fonction et les honneurs accordés à cet homme si orgueilleux pourraient donner envie à certains. Nos Sages ont craint que ce comportement entre insidieusement dans le cœur de chacun. Ils ont craint que chacun développe l’amour de soi, et que l’envie, la jalousie et la convoitise s’infiltre dans chaque juif.

C’est pour cela, d’après le principe de la Sota énoncé plus haut, qu’ils ont ressenti la nécessité d’instaurer une barrière, et c’est ainsi que la Mitsva de Michloa’h Manot a été mise en place. Cette Mitsva est basée sur l’amour du prochain et l’envie de donner, et qui, quand elle sera accomplie, créera un sursaut d’amour en notre for intérieur et fera taire notre fierté.

Lever le doute

Rabbi Meïr Yé’hiel d’Ostrovsta nous rapporte que Rabbi Chimone Bar Yo’haï enseigne que le décret céleste contre les juifs fut scellé parce que les Bneï Israël s’étaient prosternés devant une idole au temps du roi Névoukhadnétsar (Guémara Méguila 12a). Cependant, cet acte ne fut fait qu’en apparence, par crainte du roi, sans aucune conviction. C’est pour cela que Hakadoch Baroukh Hou a Lui aussi agi contre eux en apparence, juste pour leur faire peur, afin de susciter en eux un éveil de Téchouva.

Chacun savait au fond de lui que son comportement n’était pas sincère et qu’il n’avait pas voué un vrai culte idolâtre. Cependant, chacun le savait en lui-même. Cela pouvait malgré tout éveiller un soupçon de son prochain sur la sincérité de son comportement, soupçon qui change le statut de son prochain en statut d’idolâtre.

Malgré tout, après l’abolition du décret, on sut que chacun n’avait pas agi sincèrement. Pour confirmer cela, chacun envoya un Michloa’h Manot, comme il est dit : « et d’envoi de présents d’un homme à son prochain », pour attester que chaque juif est bien « son prochain » et pas un idolâtre.

Reconnaissance

Le Ba’h, quant à lui, explique que ces deux présents commémorent deux délivrances : la première est que Hachem a frappé nos ennemis et la deuxième, qu’Il nous a délivré et surtout qu’aucun juif n’a été touché.

Comment accomplir la Mitsva ?

À quel moment ?

La Mitsva de Michloa’h Manot devra être accomplie le jour de Pourim et pas la nuit.

Etant donné que l’une des raisons évoquées pour cette Mitsva est que chacun ait le nécessaire pour le repas de Pourim, on s’efforcera d’envoyer son Michloa’h Manot au plus tôt [dans la mesure du possible] après la lecture de la Méguila le matin, pour que les personnes puissent organiser leur michté.

Qui est tenu de l’accomplir ?

Comme pour toutes les Mitsvot de Pourim, hommes et femmes en ont l’obligation, et il est bon aussi d’y faire participer les enfants.

Par pudeur et pour éviter des problèmes de halakha, les hommes enverront aux hommes, et les femmes aux femmes. Même le pauvre qui dépend de la Tsédaka doit faire cette Mitsva.

À qui envoyer ?

Du fait qu’il est écrit dans le verset : « et d’envoi de présents d’un homme à son prochain », le mot « prochain » signifie qu’il faut obligatoirement l’envoyer à un juif.

On considère comme « son prochain » tout juif qui observe et respecte les préceptes de la Torah. Si, D.ieu préserve, il transgresse ouvertement et intentionnellement le Chabat, par défi ou par rébellion contre D.ieu, il sera considéré comme un goy, un non juif.

En revanche, un juif qui faute par ignorance ou par incapacité de résister à la tentation est considéré comme « son prochain » juif.

On sera quitte de la Mitsva qu’on donne à un riche ou à un pauvre. Le destinataire doit être un adulte [âgé de 12 ans au moins pour une fille et de 13 ans pour un garçon]. Si on a envoyé à un enfant, on ne se sera pas acquitté de la Mitsva et on devra la refaire.

Comme nous l’avons évoqué, il est bon d’habituer les enfants à envoyer des Michloah’ Manot. Ils pourront se les échanger entre enfants, ou d’enfants à adulte.

Aussi, bien qu’il soit écrit dans le verset « et d’envoi de présents d’un homme à son prochain », un fils peut en envoyer à son père et vice versa, ainsi qu’un élève à son Rav.

Le contenu

Celui qui envoie à son ami un aliment et une boisson est quitte de son obligation d’après la stricte halakha, et même s’il envoie deux boissons. Le Rav Ovadia Yossef זצק״ל préconise tout de même d’envoyer deux aliments [au minimum] pour respecter tous les avis ; quiconque agit ainsi sera digne de la bénédiction. Ces deux aliments devront être de nature différente ; par exemple, on ne sera pas quitte en envoyant deux cuisses de poulet même si elles sont posées dans deux plats différents. Par contre, on pourra envoyer une poitrine de poulet et une cuisse, même dans un seul plat, car leur goût est différent. Il en sera ainsi pour deux types de gâteaux, de confiseries ou d’autres mets.

Le Michloa’h Manot n’est valable que s’il est composé de nourriture ou de boisson. Celui qui le composerait uniquement de livres, de vêtements ou même d’un appareil électroménager n’est pas quitte de son obligation. Rappelons que l’une des raisons évoquées pour cette Mitsva est que chacun ait de quoi faire le repas de Pourim. Cependant, il sera permis d’ajouter un objet quelconque à un Michloa’h Manot composé d’aliments.

On ne s’acquittera pas non plus de la Mitsva en envoyant de l’argent à son ami, même s’il est vrai qu’il pourrait acheter avec de la nourriture pour le repas de Pourim.

Rappelons que l’un des buts de cette Mitsva est d’accroître les liens d’affection et d’amitié entre les personnes. Ce sont des sentiments qui ne s’achètent pas, mais qui s’obtiennent par l’investissement de soi. Même un don d’argent ne viendra pas renforcer les liens d’amitié et de fraternité. Ce ne sera que par l’envoi d’un présent empli de bonnes intentions et de considération que les relations se renforceront.

Le contenant

Il existe une divergence d’opinion à savoir si deux aliments réunis dans un seul plat s’unissent et ne forment qu’un seul mets ou pas. D’après le Rav Ovadia Yossef זצק״ל, il ne sera pas nécessaire de placer chacun des deux mets dans deux plats séparés, car le plat ne les unit pas. Mais pour le Ben Ich ‘Haï, la chose est tout autre : le fait que les aliments soient placés dans un seul et même plat les fait considérer comme un seul mets. Aussi, quiconque craint D.ieu et désire faire les Mitsvot comme il le faut essaiera d’envoyer un Michloa’h Manot dans deux plats différents, afin de respecter tous les avis. En agissant ainsi, il sera digne d’éloges et de bénédictions.

Avec considération…

Il faudra veiller à ce que le Michloa’h Manot envoyé contienne des mets appréciés et onéreux à la hauteur du rang social de l’envoyeur comme du destinataire. Si l’envoyeur est aisé, il sera bon que son Michloa’h Manot corresponde à sa réputation, et cela est valable aussi pour celui qui recevra les présents.

Hormis le rang social, il faudra considérer la situation du destinataire, par exemple ne pas envoyer de sucreries à un diabétique ou des aliments qui font grossir à celui qui suit un régime amaigrissant. De plus, il faudra faire attention que le label de cacheroute corresponde à celui que consomme le destinataire.

Tout ces points sont important pour exprimer notre considération et le respect que l’on porte à celui qui reçoit notre Michloa’h Manot, afin d’accroître nos liens d’affection et de fraternité.

Si, pour les Matanot Laévionime, un niveau supérieur de la Mitsva consiste à les envoyer de manière anonyme et discrète, il n’en sera pas de même pour l’envoi du Michloa’h Manot. En effet, en agissant anonymement, on ne fera pas grandir l’amour et la fraternité. N’oubliez donc pas d’accompagner votre Michloa’h Manot d’une petite carte portant votre nom ainsi que celui du destinataire, afin de le personnaliser au maximum.

… et de bonnes intentions

Il faudra veiller à ce que notre Mitsva ne retourne pas en Avéra. Il arrive parfois que les Michloa’h Manot aient tendance à devenir une sorte de « comptes » à tenir. En agissant ainsi, on s’éloigne évidemment de l’intention véritable de la mitsva, qui est de nous rapprocher les uns des autres pour accroître la fraternité et pas de s’acquitter d’une dette… On évitera donc de tenir une liste pour savoir de qui nous avons reçu un Michloa’h Manot et surtout, qui ne nous a pas envoyé de présents l’an dernier ou dix ans plus tôt…

Aussi, l’envoi de Michloa’h Manot ne doit pas se transformer en concours artistique et culinaire. On sera tout à fait acquitté en envoyant de petites douceurs exprimant notre affection et notre fraternité. Car très souvent, on passe beaucoup de temps et on investit beaucoup d’argent pour que notre Michloa’h Manot soit le plus beau ou le plus original. Mais est-ce vraiment ce qui nous est demandé ? Surtout, s’il arrive qu’une dame ne soit pas un cordon bleu, faire parvenir à sa famille les résultats du talent de sa femme peut susciter une certaine concurrence entre les familles et, de ce fait, un conflit entre les conjoints qui reçoivent ce Michloa’h Manot.

Pour cela, une boite de chocolat, une bouteille de vin ou autres friandises accompagné d’un petit mot portant de sincères bénédictions accroîtra l’amour, fraternité et… la paix des foyers. N’oublions pas que la fête de Pourim est sous le signe de la joie et de l’unité. Pour le ressentir et faire passer ce message à nos proches et à nos enfants, nous devons exprimer au mieux l’amour et pas la compétition, et ainsi ne pas travestir les intentions réelles de Mordékhaï et Esther.

Voici, pour la petite histoire, un Michloa’h Manot rempli de mauvaises intentions :

On raconte qu’une fois un hérétique envoya au Malbim un Michloa’h Manot dans lequel il glissa une illustration de porc. Il avait, bien sûr, l’intention d’énerver le Rav, mais le Rav ne perdit pas son sang froid. Il Rav lui renvoya en échange un Michloa’h Manot dans lequel il glissa un portrait de lui-même, en ajoutant la mention : « Vous m’avez envoyé votre photo, je vous envoie la mienne… »

Mis à part de bonnes intentions envers notre destinataire, rappelons que nous devons avoir l’intention d’accomplir la Mitsva de Michloa’h Manot. Il sera bon que chacun récite, avant d’accomplir la Mitsva, le « léchem yi’houd » approprié.

לְשֵׁם יִחוּד קוּדְשָׁא בְּרִיךְ הוּא וּשְׁכִינְתֵּיהּ, בִּדְחִילוּ וּרְחִימוּ, וּרְחִימוּ וּדְחִילוּ, לְיַחֲדָא שֵׁם י”ה בְּו”ה בְּיִחוּדָא שְׁלִים (יהוה) בְּשֵׁם כָּל יִשְׂרָאֵל, הִנֵּה אֲנַחְנוּ בָּאִים לְקַיֵּם מִצְוַת עֲשֵׂה מִדִּבְרֵי קַבָּלָה, לִשְׁלֹחַ מָנוֹת אִישׁ לְרֵעֵהוּ בְּיוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר (חֲמִשָׁה עָשָׂר) לְחֹדֶשׁ אֲדָר, וְעַל יְדֵי מִצְוָה זוֹ יִתֵּן הַיְסוֹד דְּאַבָּא אוֹרוֹת לִיסוֹד הַמַּלְכוּת, לַעֲשׂוֹת נַחַת רוּחַ לְיוֹצְרֵנוּ וְלַעֲשׂוֹת רְצוֹן בּוֹרְאֵנוּ. יִהְיוּ לְרָצוֹן אִמְרֵי פִי וְהֶגְיוֹן לִבִּי לְפָנָיךָ, יְהֹוָה צוּרִי וְגֹאֲלִי. וִיהִי נֹעַם אֲדֹנָי אֱלֹהֵינוּ עָלֵינוּ, וּמַעֲשֵׂה יָדֵינוּ כּוֹנְנָה עָלֵינוּ, וּמַעֲשֵׂה יָדֵינוּ כּוֹנְנֵהוּ:

Par un intermédiaire ?

Selon la stricte loi, il ne sera pas nécessaire d’envoyer le Michloa’h Manot par le biais d’un intermédiaire/ chalia’h. Cependant, certains pensent cela nécessaire , car il est écrit dans le verset : « וּמִשְׁלוֹחַ מָנוֹת / et d’envoi de présents », ce qui sous-entend qu’il faut l’envoyer par un intermédiaire/ chalia’h. Aussi, quiconque craint D.ieu et désire faire les Mitsvot dans les règles essaiera d’envoyer un Michloa’h Manot par un intermédiaire afin d’honorer tous les avis ; il sera ainsi dignes d’éloges et de bénédictions.

Même si l’intermédiaire est nommé avant Pourim, il devra impérativement donner le Michloa’h Manot le jour de Pourim, ni avant et ni après, car sinon, on n’aura pas accompli la Mitsva. Un enfant pourra être nommé intermédiaire, mais il faudra s’assurer que le Michloa’h Manot est bien arrivé à destination, vérification qui ne sera pas nécessaire si l’intermédiaire est un adulte. Sachez tout de même que la délégation à un intermédiaire n’est pas indispensable, et il ne faudra donc pas annuler la Mitsva si l’on n’en trouve pas.

Avec ou sans bénédiction ?

Pourquoi nos Sages n’ont-ils pas institué qu’on récite une bénédiction avant d’accomplir la mitsva de Michloa’h Manot et celle de Matanot Laévionime ?

Le « Péri Mégadim ;692 » rapporte qu’il y a lieu de craindre que le destinataire refuse le présent ou le don. De plus, le « Or’hot ‘Haïm » dit que la Mitsva de Michloa’h Manot est basée sur l’amour du prochain pour accroître la fraternité. Cependant, si le destinataire ou même l’envoyeur n’ont pas au fond d’eux-mêmes une intention pure, dans ce cas la bénédiction aurait été récitée en vain, puisque la Mitsva n’aura pas été accomplie parfaitement.

Pourquoi ne pas réciter la bénédiction de Chée’hiyanou (qu’on prononce chaque fois qu’on accomplit une nouvelle Mitsva, qu’on mange un fruit nouveau ou qu’on revêt un nouvel habit) ? Tout d’abord, pour la même raison énoncée au paragraphe précédent. Mais aussi, le « Maguène Avraham » dit que la différence avec la lecture de la Méguila, c’est que ces Mitsvot ne sont pas liées vraiment à un temps. En effet, la Mitsva de lire la Méguila n’est prescrite qu’à Pourim, alors que ‘Hessed, Chalom et Tsédaka peuvent [et doivent] être accomplies à chaque instant de l’année. En effet, il ne faut pas attendre Pourim pour se réconcilier… Il n’y a donc rien de nouveau, à Pourim, dans ces Mitsvot.

La ségoula

Dans le séfer « Tiv Hamoadim », il est rapporté que lors d’un Pourim, un homme se rendit auprès d’un Tsadik pour demander une bérakha pour son fils marié déjà depuis longtemps, et qui n’avait toujours pas d’enfant. Le Rav se tourna vers lui et lui demanda : « Que veux-tu que je te donne? Un Michloa’h Manot ? ». Après lui avoir tendu un Michloa’h Manot, le Tsadik poursuivit : « Ich ! Je te promets un ich/un homme ! Avec l’aide de D.ieu, que ton fils ait un garçon afin que s’accomplisse le verset ‘et d’envoi de présents d’un homme à son prochain’ ».

D’après ce récit, le Rav Hacohen Rabinovitch chlita déduit que le moment où l’on offre le Michloa’h Manot est un instant propice pour donner à son prochain une bérakha de fertilité.

Afin d’honorer tous les avis et de faire au mieux son Michloa’h Manot, on le composera de deux mets [au minimum] différents, qui seront placés dans deux plats différents. Les mets, que l’on fera parvenir par une tierce personne, seront de choix et de qualité, selon notre niveau de vie et celui du destinataire, le tout joliment emballé avec une petite carte signée de notre part.

Après avoir accompli comme il se doit la Mitsva envers une personne, on pourra ensuite ajouter des envois sans faire scrupuleusement attention à toutes les divergences d’opinion, mais en veillant aux honneurs dus au destinataire. Comme cité plus haut, le Rambam enseigne que plus nombreuses sont les personnes à qui on envoie des présents, plus on est digne d’éloges.

1 La femme Sota est une femme mariée qui s’est isolée avec un homme, enfreignant ainsi les recommandations de son mari. Si elle nie avoir commis un adultère lors de son isolement, elle sera amenée au Beth-Hamikdache où on lui fera boire une potion d’eau spéciale qui déterminera son innocence ou sa culpabilité. Au cours de cette cérémonie, cette femme sera publiquement humiliée. (Voir dans Bamidbar 5;11)