10 octobre 2024

SIM’HA BETH HACHOEVA

Sim’ha Beth Hachoéva, définition

C’est au début du cinquième chapitre du Traité Souka, que nous abordons les Michnayot qui décrivent le déroulement des festivités de Sim’ha Beth Hachoéva.

Sim’ha Beth Hachoéva se traduit par « la joie de la maison du puisement ».

Il s’agit du puisement de l’eau qui servait à la libation d’eau – Nissou’h Hamaïm, comme il est dit dans (Yéchayahou12, 3) : « Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut. »

C’est un grand orchestre, au son de la flûte essentiellement, qui rythmait les festivités de Sim’ha Beth Hachoéva au Beth Hamikdach.

Ces festivités, qui n’avaient lieu ni Chabbat, ni Yom Tov, car ces jours interdisent de jouer des instruments de musique, se tenaient uniquement les soirs de ‘Hol Hamoëd.

La Michna nous enseigne que : « Quiconque n’a pas vu la joie de Beth Hachoéva n’a pas vu de joie dans sa vie ». Pour ressentir cette joie de nos jours, le Sfat Emet préconise une participation mentale à ces réjouissances, afin de s’en imprégner.

L’étude de ces Michnayot sera indispensable pour nous permettre d’y réfléchir et d’y participer avec le cœur, en attendant la reconstruction imminente du Beth Hamikdach.

Comment se déroulaient ces jours de fête au Beth Hamikdach ?

A l’issue du premier jour de fête de Soukot, on descendait dans la Ezrat Nachim (courréservée aux femmes), et on installait une estrade sur laquelle se tenaient les femmes. Cette estrade avait pour fonction de les séparer des hommes. Ainsi les femmes, qui se tenaient en hauteur, surplombaient le spectacle, sans que les hommes ne puissent croiser leurs regards.

Il y avait aussi deux lampadaires, hauts de cinquante amot (environ vingt cinq mètres), surmontés de quatre vases d’or. Chaque vase était équipé de quatre échelles.
Quatre jeunes Cohen, agiles, forts et de belle apparence étaient choisis pour grimper avec trente log (18 litres) d’huile afin de remplir les vases d’or, puis de les allumer. Les mèches des lampadaires étaient confectionnées dans l’étoffe des pantalons et des ceintures usés des Cohanim.

La lumière diffusée par les lampadaires de Beth Hachoéva se reflétait dans tout Jérusalem, dans ses moindres recoins.

La Michna nous enseigne que les acteurs principaux de ces réjouissances étaient des ‘Hassidim (personnes reconnues pour leur ferveur dans le service de D.ieu), et des Anchei Ma’assei (personnes riches en mitsvot). Ils se plaçaient au milieu des spectateurs et dansaient avec des torches, tout en chantant des louanges à Hakadoche Baroukh Hou.

Le peuple, hommes et femmes, venait assister à ces démonstrations de joie.

La Guémara Souka 53a raconte que Rabban Chimon Ben Gamliel jonglait avec huit torches enflammées, sans qu’aucune ne touche l’autre.

Lorsqu’il se prosternait, il prenait appui sur ses deux pouces, embrassait le sol et se redressait, ce que personne d’autre ne savait faire. Le spectacle était époustouflant.

Les Lévi’im se chargeaient de jouer de la musique. L’orchestre était principalement composé de flûtes, mais comprenait aussi des harpes, violons, cymbales, trompettes et toutes sortes d’instruments.

Les Lévi’im se tenaient sur les quinze marches, en demi-lune, qui descendaient de la Ezrat Israël et de la Ezrat Nachim.

Ces quinze marches correspondaient aux quinze « Chir Hamaalot » (chant des marches), des Tehilim de David Hamélekh. Ces psaumes tirent leur nom du fait qu’ils étaient chantés sur les marches (maalot).

Deux Cohanim, trompettes d’argent en main, se tenaient à la Porte Supérieure, la célèbre porte Nicanor, qui allait de la Ezrat Israël vers la Ezrat Nachim.

Au cri du coq, ils sonnaient de la trompette, une tekia (un son long), une ‎teroua (un son brisé), et de nouveau une tekia, pour annoncer qu’il était ‎l’heure d’aller puiser l’eau au Chiloa’h (source d’eau qui se trouvait à l’extérieur du Mont du Temple).

Les Cohanim descendaient les marches qui les menaient à la Ezrat Nachim et quand ils ‎atteignaient la dixième marche, ils sonnaient une nouvelle fois une tekia, une teroua, et une tekia.

Quand ils arrivaient en bas des marches, lorsqu’ils ‎atteignaient la Azara (la Cour du Temple), au niveau de la Ezrat Nachim, ils sonnaient encore une ‎tekia, une teroua et une tekia.

Ces dernières sonneries accompagnaient les Cohanim jusqu’à la Porte qui menait vers l’Est (donnant de l’enceinte des ‎femmes vers la Montagne du temple).

Arrivés à la Porte qui ouvrait sur l’Est, d’où ils allaient puiser l’eau, ils tournaient leur face vers ‎l’Ouest (le temple), et proclamaient :

” Nos pères (à l’époque ‎du Premier Temple), qui se tenaient à cet endroit, avaient tourné le dos vers le Temple et leur face vers l’Est et ils se prosternaient vers l’Est, ‎vers le soleil. Quant à nous, nos yeux sont tournés vers D.ieu.”

Rabbi Yéhouda dit qu’ils répétaient : ‎‎« Nous sommes à D.ieu et vers D.ieu sont tournés nos ‎yeux ».‎

Libation – « Nissou’h Hamaïm », définition

A l’époque du Beth Hamikdach, chaque Korban (sacrifice) devait être accompagné d’une min’ha (offrande) composée de fine fleur de farine, d’huile et d’encens, dont une partie était brûlée sur le Mizbéa’h (autel). Chaque sacrifice était également offert avec une libation de vin, d’une quantité spécifique, déversée sur le Mizbéa’h.

Pendant les sept jours de Soukot, on procédait à des libations d’eau « Nissou’h Hamaïm » sur le Mizbéa’h du Beth Hamikdach, dans le but de demander à Hachem d’accorder un jugement favorable pour les pluies de l’année à venir. L’origine de cette pratique est une loi donnée à Moché au mont Sinaï.

Ces libations d’eau avaient lieu en même temps que les libations de vin accompagnant le Korban « Tamid » (sacrifice quotidien) du matin.

« Nissou’h Hamaïm », Mode D’emploi

Comment se déroulaient les Nissou’h Hamaïm ?

On remplissait un récipient d’or contenant trois log (1.8 l) d’eau puisée au Chiloa’h.

Arrivés à la Porte d’Eau, l’une des portes de la Azara (cour du Temple) située au sud, on sonnait du chofar : tekia-teroua-tekia.

Le Cohen montait sur le Kévech (la pente qui mène au Mizbéa’h), se tournait vers la gauche et se dirigeait ensuite au coin sud-ouest du Mizbéa’h où avaient lieu les libations.

A cet endroit se trouvaient deux vases d’argent, qui étaient, d’après Rabbi Yéhouda, en plâtre. Ces deux vases étaient percés de deux petits trous profonds, comme des narines. Ils permettaient aux libations de s’écouler et de rejoindre les Chitines (conduit souterrain qui menait à l’abîme) au-dessous du Mizbéa’h. Chaque vase comportait un trou plus large pour le vin et un autre plus étroit pour l’eau, afin que l’eau et le vin coulent simultanément.

L’alliance de Sel

Dans la Torah il est écrit : « Et toute offrande de ton oblation, tu la saleras dans le sel, et tu n’oublieras pas le sel de l’alliance de ton Elokim sur ton oblation, sur chacune de tes offrandes tu approcheras du sel. » (Vayikra 2, 13)

Sur ce verset Rachi nous enseigne qu’une alliance a été conclue avec le sel lors des six jours de la création du monde, au terme de laquelle Hachem a promis aux eaux d’en bas d’être présentes sur le Mizbéa’h sous forme de sel et de Nissou’h Hamaïm, lors de la fête de Soukot.

En effet, comme l’explique le Yalkout Yts’hak, le second jour de la création, lorsque Hakadoche Baroukh Hou sépara les eaux inférieures des eaux supérieures, les eaux inférieures se lamentèrent et dirent :

« Malheur à nous qui n’avons pas mérité de loger dans les sphères supérieures, à proximité du Créateur ! »

Ces eaux malheureuses essayèrent tout de même de s’élever, pour essayer de résider près de Hakadoche Baroukh Hou, mais Hachem les contraignit à rester en bas.

Pour les récompenser d’avoir ainsi grandi l’honneur du Créateur, Hachem promit aux eaux inférieures qu’elles seraient répandues sur le Mizbéa’h au travers des Nissou’h Hamaïm et qu’elles participeraient à chaque Korban, par l’intermédiaire du sel.

Le Yalkout Yts’hak ajoute que l’ange de la mer se plaignit auprès du Tout puissant en soulignant la répartition inégale des eaux.

Il employa les arguments suivants : le monde se divise en trois parties, un tiers habité, un tiers d’eau et un tiers de désert. La Torah fut donnée dans le désert et le Beth Hamikdach édifié sur une terre habitée. Qu’en est-il donc du tiers aquatique, qui n’a rien reçu ?

Hakadoche Baroukh Hou promit alors à l’ange de la mer que les Bneï Israël ajouteraient du sel de mer pour accompagner chacun de leurs korbanot.

Le Rama (Or Ha’haïm 167, 5) explique que c’est une Mitsva d’apporter du sel sur la table, car la table est comparée au Mizbéa’h, et la nourriture, au Korban.

C’est pour cela que nous avons l’habitude, après avoir récité la brakha sur le pain, de le tremper dans le sel avant de le consommer.

L’importance de la joie

Pourquoi le Nissou’h Hamaïm a-t-il lieu précisément à Soukot ?

Quel rapport y a-t-il entre cet acte et la plus grande manifestation de joie de l’année à laquelle participait, au premier rang, l’élite du peuple ?

On raconte au sujet de l’Admour de Vijnitz, le Baal Imrei ‘Haïm, qu’il était très imprégné de la mida (trait de caractère) de sim’ha, durant toute l’année. A l’entrée de Soukot, sa joie redoublait.

En effet Soukot étant aussi nommée Zman Sim’hatenou, représente la plus belle occasion d’accomplir la Mitsva d’être joyeux.

Lors des festivités de Sim’ha Beth Hachoéva, il dansait le cœur joyeux, jusqu’au bout de ses forces.

Un jour, il expliqua à l’aide d’une parabole les raisons de ses grands états de joie pendant la fête.

Chaque fruit dans la nature possède une saison. Or, une fois celle-ci passée, il est impossible de s’en procurer. Celui qui aime beaucoup ce fruit en fera donc des conserves, lors de sa pleine saison, afin d’en retrouver le goût une fois la saison terminée et de pouvoir en manger toute l’année.

La fête de soukot représente la saison de la joie. Si l’on souhaite en avoir toute l’année, il faut donc en faire des conserves !

Redoubler de joie et s’imprégner de ces moments si particuliers, permettra de les retrouver tout au long de l’année.

La Guémara Souka 50b cite une opinion selon laquelle la version correcte de nommer ce moment de joie serait non pas beth Hachoeva (puisement) mais beth ‘Hachouva (importante).

Le Rambam Hilkhot (Souka 8, 15), rapporte : « la Sim’ha que dégage un homme lors de l’accomplissement d’une Mitsva est un service important ; mais toute personne qui l’effectue (la mitsva) sans Sim’ha mérite un châtiment… »

La Sim’ha n’est donc pas un petit « plus » dans le service de Hachem, elle n’est pas non plus optionnelle. Son absence causera de terribles malédictions annoncées par la Torah.

Une mitsva, même accomplie minutieusement, si elle est faite sans Sim’ha, demeure incomplète.

La Sim’ha ne vient pas embellir la mitsva, elle en est une partie intégrante. La Sim’ha que nous évoquons ici s’apparente aussi à la notion de Emouna (Foi).

Une Avodat Hachem (Service Divin) dénuée de Sim’ha, révèle un manque de Emouna et de Bita’hone en Hachem. C’est une sorte de remise en question des décrets du Ciel, ‘Hass véChalom !

Accomplir une Mitsva, c’est avant tout se plier à la volonté de l’Éternel et accepter le joug Divin. Ainsi, pendant ces jours de Soukot où nous quittons nos maisons et nos biens matériels, nous aspirons à la Sim’ha.

Cette joie révèle que ni notre confort, ni nos désirs ou nos intérêts personnels n’influeront sur notre Avodat Hachem, qui représente notre seul but et notre ultime désir.