
Dans le traitĂ© Pessaâhim (68), on note une certaine contradiction dans les versets se rapportant aux fĂȘtes de lâannĂ©e. Quelques fois elles sont appelĂ©es « âHag lHachem » des commĂ©morations pour D⊠durant lesquelles on doit prier, Ă©tudier la Torah, et sâĂ©lever sur le plan spirituel. Mais un autre verset prĂ©cise « âHag laâhem » ces jours vous sont rĂ©servĂ©s, vous devez y manger, boire, vous reposer, passer du temps en famille. Rabbi Eliezer explique quâen effet, lâhomme a le choix, les jours de fĂȘtes peuvent lui ĂȘtre exclusivement rĂ©servĂ©s ou il peut les consacrer Ă DâŠ.
Rabbi Yeoshua voit les choses diffĂ©remment. Les journĂ©es de fĂȘte devront ĂȘtre divisĂ©es en deux, une partie devra ĂȘtre consacrĂ©e Ă la spiritualitĂ©, lâhomme doit prier avec plus de concentration et doit Ă©tudier davantage. Lâautre, lui sera consacrĂ©e, il pourra vaquer Ă ses besoins. Rabbi Eliezer sâoppose Ă cette idĂ©e en avançant quâon ne peut se consacrer aux deux Ă la fois.
Au sujet de Chavouot cependant, tout le monde est dâavis que bien quâil sâagisse de la commĂ©moration du don de la Torah, il y a une Mitsva de faire une SĂ©ouda. Rachi remarque quâayant reçu la Torah ce jour-lĂ , lâhomme se doit de montrer sa joie. Lâexplication donnĂ©e semble Ă©tonnante. Le contraire apparait plus juste, puisquâil sâagit de la fĂȘte de la Torah, le meilleur moyen de montrer notre bonheur serait de lâĂ©tudier sans arrĂȘt, au moins ce jour-lĂ .
Lors du don de la Torah, des Ă©clairs et du Chofar retentirent, proclamant le moment solennel qui Ă©tait en train de se passer. Il est dit Ă propos de Nadav et Avihou (les fils dâAaron Hacohen) quâils « contemplĂšrent Hachem, mangĂšrent et burent ». A cause de leur comportement, ils furent condamnĂ©s Ă mort. Mais pour ne pas gĂącher la grandeur de lâĂ©vĂšnement, D⊠reporta leur sentence et les laissa en vie. Dix mois sâĂ©coulĂšrent et au moment de lâinauguration du Tabernacle, Rosh hodesh Nissan, Nadav et Avihou pĂ©nĂ©trĂšrent dans le Saint des Saint et furent intĂ©gralement brulĂ©s.
Ce jour-lĂ nâĂ©tait-il pas un jour de joie ? Il est dit que Matan Torah est le jour de la âHouppa alors que lâinauguration du Michkan, le âHeder Iâhoud. Pourquoi les punir Ă ce moment-lĂ ? Ils pĂ©nĂ©trĂšrent dans cet endroit alors quâils avaient bu et Ă©taient un peu « ivres ». VoilĂ lâexplication exprimĂ©e dans le verset de Chemini au moment de leur mort. Quel est donc le rapport avec lâĂ©vĂšnement de Matan Torah ? Quelle est exactement la raison de leur mort ? AprĂšs cet Ă©pisode, D⊠met en garde Aaron de ne jamais pĂ©nĂ©trer dans le Saint des Saint en Ă©tant ivre ou en ayant bu, un tel comportement serait passible de mort. Comment Nadav et Avihou auraient Ă©tĂ© au courant dâune telle ordonnance puisquâelle a Ă©tĂ© Ă©mise aprĂšs leur mort ? Comment leur reprocher et les punir pour un comportement au sujet duquel ils nâont pas Ă©tĂ© avertis ? Rappelons quâon ne parle pas dâhommes rĂ©ellement ivres, ils nâavaient bu quâun peu de vin. Le Cohen Gadol a lâinterdiction de boire ne serait-ce quâun Reviit avant dâeffectuer son service quotidien. Comment prĂ©tendre que les fils dâAharon aient pu deviner pareille ordonnance ?
La Paracha dâAâharĂ© Mot traite de deux sujets principaux, Yom Kippour et tous les interdits sexuels. Hachem nous met en garde, lâEgypte dâoĂč les enfants dâIsraĂ«l viennent de sortir et Cannaan dans laquelle ils sâapprĂȘtent Ă pĂ©nĂ©trer, sont des endroits dont le taux dâimmoralitĂ© est le plus Ă©levĂ©. Nous sommes donc avertis de ne pas imiter de tels comportements. Nous devrons respecter les lois de D⊠et par elles, on vivra. La Guemara explique que lâon doit vivre grĂące Ă la Torah, elle est une source de vie et non une raison de mourir. Si notre vie est menacĂ©e on devra transgresser la Torah.
Or il existe trois exceptions Ă ce sujet, lâidolĂątrie, le meurtre et les relations interdites. Dans tous ces cas, on devra plutĂŽt se laisser mourir plutĂŽt que de les transgresser. Ce principe est mentionnĂ© exactement Ă lâendroit oĂč il nâest pas valable. Sâil avait Ă©tĂ© mentionnĂ© Ă lâendroit des interdits de Chabbat, cela aurait Ă©tĂ© comprĂ©hensible. On a lâobligation de respecter le Chabbat tant que notre vie nâen dĂ©pend pas, dans le cas contraire la Torah nous ordonne de transgresser les interdits car la vie est plus importante. Or, le principe est citĂ© au miment oĂč lâon parle des interdits sexuels pour lesquels on doit oui se laisser mourir.
La Torah apparait aux yeux de nombreuses personnes comme une succession dâinterdits limitant notre libertĂ© et nos plaisirs. Les non-juifs peuvent faire ce quâils veulent, manger oĂč bon leur semble, se vĂȘtir comme ils veulent. Ce nâest pas notre cas. On se convainc du bien de nos actions en pensant aux rĂ©compenses du monde futur. Cependant cette maniĂšre de penser est contraire Ă la vision de la Torah. Vivre une vie de Torah câest sâassurer le bonheur dans ce monde-ci avant tout. Le bonheur dĂ©pend dâune satisfaction personnelle, non pas de la quantitĂ© de plaisirs que lâon peut cumuler. Le vĂ©ritable bonheur est de sentir quâon fait du bien, quâon rĂ©alise la raison pour laquelle on a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Ressentir que D⊠est satisfait de notre comportement procure Ă lâhomme une joie intense. A premiĂšre vue, 613 Mitsvot câest difficile Ă accomplir et cela nous limite. On se doit de sanctifier le nom de D⊠en montrant que justement ceux qui accomplissent la volontĂ© de D⊠sont les plus stables et les plus heureux.

Arayot (interdits sexuels) sont le symbole de lâensemble des plaisirs de ce monde. Câest le domaine oĂč le mauvais penchant de lâhomme est le plus fort, un domaine dans lequel il est trĂšs difficile de rester saint. La Torah nous relate une succession dâinterdits, lâhomme se sent privĂ© dans ses possibilitĂ©s dâavoir du plaisir. Ce nâest pas ainsi que lâon doit lutter contre les Arayot, « Vous vivrez Ă travers elles ». Notre plaisir dans lâaccomplissement des Mitsvot et particuliĂšrement dans lâĂ©tude de la Torah doit ĂȘtre si intense que lâon nâest plus attirĂ© par autre chose. La clĂ© pour ne pas ĂȘtre attirĂ© par les Averot, et par le monde matĂ©riel, est de faire en sorte que la Torah devienne notre plaisir matĂ©riel. Le bonheur et la joie dans lâaccomplissement de la Torah nous font oublier nos besoins dans les autres domaines. Lâhomme est dĂ©jĂ satisfait de ce quâil est et de ce quâil possĂšde, il nâa pas besoin de rechercher du plaisir ailleurs.
Au moment du don de la Torah, Hachem nous a fait dĂ©couvrir un monde inconnu jusque-lĂ , on a ressenti un plaisir spirituel Ă©norme, on Ă©tait attirĂ© par les paroles de DâŠ, câest pourquoi il est Ă©crit quâĂ chaque parole prononcĂ©e par Hachem, le peuple juif mourrait, littĂ©ralement leurs Ăąmes sortaient de leur corps. Les paroles de D⊠étaient si douces et agrĂ©ables que nos Ăąmes furent attirĂ©es par D⊠au point de quitter nos corps. On dĂ©sirait avoir ce plaisir Ă jamais. Ce sentiment et cette satisfaction peuvent se retrouver Ă travers une vie consacrĂ©e intĂ©gralement Ă la Torah.
Nadav et Avihou « mangĂšrent et burent » or Ă ce moment le plaisir spirituel Ă©tait tellement intense quâils auraient dĂ» se satisfaire uniquement de cela. Le fait dâavoir dĂ©sirĂ© autre chose a montrĂ© que cela ne leur suffisait pas. D⊠est la source de tout et de tous les plaisirs. Ce fut un âHilloul Hachem que de montrer quâils avaient en quelque sorte besoin dâautre chose. MochĂ© RabĂ©nou lorsquâil monta quarante jours auprĂšs dâHachem avant de descendre la Torah, ne bu ni ne mangea. Son corps se nourrissait de Torah et la relation avec D⊠était si intense que MochĂ© nâavait besoin de rien dâautre. âHanoukat Abait fut un moment tout aussi extraordinaire, une joie spirituelle intense sâen dĂ©gagea, ainsi quâune proximitĂ© avec DâŠ. Quâont fait Nadav et Avihou ? Ils burent du vin. En rĂ©alitĂ© ils nâont transgressĂ© aucun interdit car comme on lâa dit, lâordonnance du vin nâa Ă©tĂ© donnĂ©e quâaprĂšs leur mort.
Le problĂšme Ă©tant, ce jour-lĂ tu as besoin de boire du vin ? Le vin a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour rĂ©jouir les gens qui ont eu un malheur lo alĂ©nou ou un problĂšme, le vin est lĂ pour leur redonner un peu de joie. Or le jour de âhanoukat Abait, y a-t-il de joie plus intense que celle-lĂ ? Pourquoi utiliser un autre moyen, la joie ressentie nâest-elle pas suffisante ? Ils furent punis car ils refirent Ă deux reprises la mĂȘme faute, signe quâils ne comprirent pas la leçon. Un jour de plaisir spirituel si intense tu recherches dâautres plaisirs, ils furent punis la deuxiĂšme fois pour avoir rĂ©pĂ©ter leur comportement.
Rabbi Eliezer est dâavis quâun homme peut choisir son comportement durant Yom Tov. Il peut dĂ©cider de se consacrer entiĂšrement Ă D⊠(koulo lHachem) ou entiĂšrement vaquer Ă ses plaisirs (koulo laâhem). Or, il approuve que le jour de Chavouot on doit aussi faire « koulo laâhem » ce qui semble Ă©tonnant car justement durant cette fĂȘte, on est censĂ© se vouer Ă la spiritualitĂ©. Etant le jour oĂč lâon a reçu la Torah, il semble logique de lâĂ©tudier encore plus intensĂ©ment. Lâintention de ses propos est de dire que ce jour-lĂ mĂȘme quand on fait « lHachem » on agit « lahem ». En rĂ©alitĂ© il ne sâagit pas de multiplier les repas, notre bonheur dans lâĂ©tude doit ĂȘtre si intense que « koulo lâHachem » et « koulo laâhem » sont Ă©quivalents. A Chavouot, la joie ressentie Ă travers lâĂ©tude de la Torah doit ĂȘtre telle quâelle Ă©quivaut aux plaisirs matĂ©riels procurant de la joie Ă lâhomme, le corps lui-mĂȘme ressent un plaisir intense. Il nây a pas de plus grand Kidouch Hachem que de ressentir et de montrer que la Torah est douce et nous procure une satisfaction intense dans ce monde. Le laâhem ne correspond pas aux repas ou autres plaisirs matĂ©riels mais au fait de mettre sur le mĂȘme plan les plaisirs spirituels et matĂ©riels.
Depuis Rosh Hodesh Sivan on a lâhabitude de lire la Tefila du Chla, une demande dâaide divine dans lâĂ©ducation de nos enfants et le souhait profond quâils perdurent lâenseignement et la trace de nos ancĂȘtres. On prie pour la rĂ©ussite de nos enfants dans la Torah. Il est frĂ©quent de voir des TalmidĂ© âHahamim dont les enfants ne suivent pas tout Ă fait la voix indiquĂ©e par leurs pĂšres. La guemara dit que beaucoup de TalmidĂ© âHahamim ne prononcent pas la Birkat Hatorah. Etonnant, il sâagit dâune Mitsva comme une autre, comment prĂ©tendre quâils passent cette Mitsva outre ? En rĂ©alitĂ© dans cette bĂ©nĂ©diction il est dit « que Tu nous as sanctifiĂ© dans Tes paroles de Torah » « rends nous douce la Torah dans nos bouches et celle de nos enfants » Que signifie que les TalmidĂ© âhahamim ne prononcent pas cette bĂ©nĂ©diction ? Ils ne demandent pas assez la douceur dans la Torah, ils ne prĂ©sentent pas assez le cĂŽtĂ© doux de la Torah Ă leurs enfants. Seul le cotĂ© difficile transparait. Une telle Torah ne peut ĂȘtre transmise, qui a envie dâun fardeau Ă porter ?
Rav MichaĂ«l Guedj – Roch Kollel “Daat Chlomo” BneĂŻ Brak
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