« Ne convoite pas la maison de ton prochain ; ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. » Chémot (20 ; 13)
La Paracha de cette semaine nous énonce les dix Commandements donnés par Hachem aux Bnei Israël, au pied du mont Sinaï : Croire en D.ieu, rejeter l’idolâtrie, ne pas invoquer le nom de Hachem en vain, sanctifier le jour du Chabbat, honorer son père et sa mère, ne pas commettre d’homicide, ne pas commettre d’adultère, ne pas commettre de vol, ne pas porter un faux témoignage, et ne pas convoiter ce qui appartient à son prochain.
Notre verset nous évoque le dernier point.
Certes la Torah nous parle ici de la mauvaise mida qu’est la jalousie, mais surtout elle nous incite à développer une mida extraordinaire : se contenter de ce que l’on a, être heureux de son sort.
Le petit-fils du Rambam, Rabenou David, dans son ouvrage Midrach David, relate l’histoire suivante :
« Un homme gagnait très peu et très difficilement sa vie, mais il se réjouissait tous les jours de ce dont Hachem le gratifiait. Chaque soir avant de se coucher, pour remercier le Créateur de Sa générosité, il dansait et chantait en compagnie de sa femme et de ses enfants. Une nuit, le Roi passa près de chez eux et écouta cette musique sans se faire remarquer, constatant la joie qui émanait de cette maison. Intrigué, il vint les observer plusieurs nuits de suite. Un soir, le Roi tapa à la porte de notre homme, et lui demanda à combien s’élevait sa fortune. L’autre lui répondit qu’il n’était qu’un homme pauvre et qu’il dépensait tout ce qu’il gagnait dans la journée-même pour sa famille, mais il était très heureux comme ça, et c’était pour cette raison que chaque soir, lui et sa famille dansaient et chantaient.
Le Roi se dit que pauvres, ils étaient satisfaits, alors combien le seraient-ils en étant riches !
Il couvrit l’homme de pièces d’or. Ce dernier prit les pièces et les rangea dans une boîte. Il s’aperçut qu’il en manquait quelques-unes afin de pouvoir la remplir complètement. Avec son épouse, ils se dirent qu’il leur faudrait durement travailler pour pouvoir la compléter. Et le voilà maintenant soucieux de son salaire journalier qu’il dépose dorénavant dans cette boîte. Plus de temps pour danser, plus de chants, tout le monde se couche tôt. Le stress et l’appât du gain ont pris le dessus. Un soir le Roi repassa par là. Il fut étonné par le silence et l’obscurité qui régnaient dans la maison. Il revint une deuxième fois, une troisième fois…
Le Roi convoqua notre homme pour obtenir quelques explications et avoir des nouvelles de sa situation actuelle. L’homme lui répondit qu’il était envahi par les soucis et se demandait quand sa boîte serait-elle enfin pleine. »
A partir du moment où il est devenu riche, l’homme pauvre s’est senti préoccupé, alors que sa joie aurait dû se trouver multipliée par le nombre de pièces d’or reçues !
Expliquons cette réaction par une seconde histoire :
Un jour, une personne alla rendre visite au ‘Hafets ‘Haïm, lequel lui demanda « Comment va ta parnassa ? »
L’homme répondit : « Ça va, mais s’il y avait un peu plus ça ne ferait pas de mal ! »
Ce à quoi le ‘Hafets ‘Haïm répondit : « Si ça ne ferait pas de mal, Hachem te l’aurait donné ce « plus », si tu ne l’a pas reçu, c’est sûrement que cela te ferait justement du mal ! »
Le Ibn Ezra nous dit : « Si c’était pour toi tu l’aurais reçu, si tu ne l’as pas eu c’est que ce n’était pas pour toi. »
Rav Samuel Chlita rapporte le Rav Dessler et nous donne comme exemple les lunettes de notre voisin. Elles ne peuvent pas nous intéresser, notre vue n’est pas la sienne, la largeur de ses verres n’est pas la nôtre… Elles ne nous serviraient donc à rien. Il ne nous viendrait jamais à l’esprit de les convoiter !
« Quel est le vrai riche ? C’est celui qui est heureux de son sort.» 1
«Heureux», cela ne veut pas dire : tant pis si je n’ai pas plus, cela veut dire : tant mieux parce que j’ai exactement ce qu’il me faut.
En ayant ce principe à l’esprit à tout moment, il sera plus simple pour nous de comprendre que ce que possède mon prochain, c’est ce qui lui revient, c’est ce qui lui correspond, ce qui lui est nécessaire dans sa vie : sa voiture n’est pas la mienne, et ma maison n’est pas la sienne.
Seule notre Torah est, et sera : la nôtre, la sienne, la tienne, celle que l’on partage, que l’on diffuse. Elle est notre bien commun !
Rav Mordekhai Bismuth
1Avot (4 ; 1)
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