19 mars 2024

‘Hag Hasoukot ou la fête des cabanes

La Torah ordonne à chaque homme Juif de construire une souka (cabane) et de l’habiter pendant sept jours, de sorte qu’elle devienne sa résidence permanente, alors que sa propre maison sera sa résidence temporaire.

Comme il est dit (Vayikra 23 ; 42-43) : « Dans les cabanes vous habiterez sept jours, tout citoyen en Israël habitera dans les cabanes. Afin que vos générations sachent que J’ai fait demeurer les Bneï Israël dans des cabanes, quand Je les ai faits sortir du pays d’Égypte, Moi, Hachem, votre D.ieu ! ».

Que représentent ces cabanes, ces soukot dans lesquelles nous devons vivre pendant sept jours ?

Sur ce sujet, il y a une Makhloket, dans la Guémara Souka 11b, entre deux Tanaïm, Rabbi Eli’ézer et Rabbi Akiva.

Selon Rabbi Eli’ézer, les soukot invoquées dans la Torah sont les Ananei Hakavod, ces « Nuées de gloire » que Hakadoche Baroukh Hou a créées pour protéger les Bneï Israël dans le désert.

Pour Rabbi Akiva, en revanche, il s’agit de vraies soukot, comme celles que nous connaissons aujourd’hui.

Cela signifierait que les Bneï Israël auraient construit des cabanes en bois pour se protéger du soleil lors de leurs pérégrinations dans le désert.

Rabénou Bé’Hayé (Vayikra 23, 43) va dans le sens de cette dernière explication, en soulignant que d’après Rabbi Akiva, à travers la fête de Soukot, la Torah met en lumière la grandeur de la génération du désert.

En effet, nous rencontrons ici un peuple qui accepte, dans sa totalité, sans hésitation ni conditions, de vivre dans une terre inhabitée, non exploitable et dangereuse, sans confort, d’y construire des cabanes, et ceci pendant quarante ans.

Depuis cette époque, nous, les Bneï Israël des temps modernes, devons aussi habiter dans des cabanes en bois, afin d’apprendre, à l’image de nos ancêtres, la confiance totale en notre Créateur.

Le Rav Eliyahou Abergel Chlita, nous enseigne que l’avis de Rabbi Akiva est en fait beaucoup plus profond et nous enseigne un principe fondamental.

Nous savons qu’Hakadoche Baroukh Hou fait des miracles et des prodiges en faveur de l’homme. La nature, le fonctionnement du corps, la vie même, sont en soi un miracle. D’ailleurs la guématria de « Teva/Nature » est la même que celle de « Ha-Elokim/D.ieu », car derrière le mécanisme parfait de la nature se cache la main d’Hachem.

Aussi, pour voir les miracles qui nous entourent, devons-nous utiliser nos propres aptitudes naturelles, comme marcher, bouger, sentir… En effet, pour prendre forme, le miracle s’appuie avant tout sur de la matière première.

C’est ainsi qu’a pu s’accomplir le miracle de l’ouverture de la Mer Rouge : Na’hchon Ben Aminadav avança d’un pas dans la mer déchaînée. Ensuite, Hachem fit le reste.

Le Rambam va même jusqu’à trancher la loi de sorte qu’il interdit d’habiter dans une ville qui ne comprend aucun médecin. (Hilkhot Déot 4, 22) Cela signifie qu’il ne faut en aucun cas compter sur un miracle.

Si quelqu’un est malade, il doit d’abord avoir la volonté de se soigner et donc consulter un médecin. Ce n’est qu’après cette prise d’initiative personnelle et individuelle qu’Hachem intervient.

Cette notion d’effort personnel est appelée Ichtadlout.

Les Bneï Israël avaient une confiance parfaite en D.ieu.

Ils sont dans le désert et ils y construisent des cabanes pour se protéger de la brûlure insupportable du soleil. C’est alors que devant ce témoignage de volonté et de courage, Hakadoche Baroukh Hou a décidé d’offrir au peuple les Ananei Hakavod.

En fin de compte, il n’y a donc pas de ma’hloket entre Rabbi Eli’ézer et Rabbi Akiva.

Hag Hasoukot permet à la fois de rendre hommage aux cabanes construites par les Bneï Israël dans le désert, et de célébrer le miracle des Nuées de gloire offertes par Hakadoche Baroukh Hou.

D’après le Sfat Emet, la Souka et les Ananei Hakavod n’ont pas représenté un miracle uniquement pour accompagner les Bneï Israël lors de leur sortie d’Égypte. C’était le but même de la sortie d’Égypte : «  Afin que vos générations sachent… »

Cela signifie que le concept même de la sortie d’Égypte et de la libération de l’esclavage, avait pour raison d’être d’élever les Bneï Israël au-dessus du cours normal du fonctionnement de la nature.

Afin que les Bneï Israël sachent et « Afin que vos générations sachent… », que nous ne dépendons pas d’une nature qui fonctionne par elle-même, mais d’un D.ieu Qui la gère : « Moi, Hachem, votre D.ieu ! »

Nous étions esclaves et nous sommes libres.

Mais esclaves et libres de qui ou de quoi ?

Nous devons ressentir, lorsque nous sommes assis dans la Souka, que nous avons été libérés de la servitude, d’un esclavage qui était devenu notre quotidien, une normalité.

Or, c’est au moment précis où cet état de fait avait pris la forme de la fatalité, qu’Hakadoche Baroukh Hou dévia le cours de la nature pour nous libérer.

Nous sommes, nous aussi, aujourd’hui, libres et assis dans la Souka, entourés de ces murs en souvenir des Ananei Hakavod. Ceci afin de nous souvenir que nous vivons au-delà de la nature, au-delà du commun et qu’il y a un Boré Olam, un Créateur du monde, qui nous entoure de Ses bienfaits.

Comme il est dit (Chemouël II ; 7, 10) : « J’ai assigné à mon peuple Israël une résidence où je l’ai implanté, et où il se maintiendra et ne sera plus inquiet… ».

Nous sommes un peuple qui vit et avance à un autre rythme.

Nous sommes confiants à chaque instant en notre Père, Avinou Ché Bachamayim, et nous savons que tout dépend de Lui et de Lui seul !