Au début de la parachath Matoth sont enseignées toutes les lois relatives aux vœux. D’après notre paracha, la parole d’un homme a le pouvoir d’interdire une chose au même titre qu’un morceau de viande non-cacher est interdit à la consommation. C’est un ‘Hidouch de la Tora, le contraire de ce que l’on a appris : « Les écrits restent et les paroles s’envolent »
De nos jours on utilise rarement les vœux, mais cela peut être utilisé comme un garde-fou. En effet, une personne pourra utiliser ce moyen pour se prémunir d’une mauvaise habitude. Par exemple un homme pourra s’interdire la cigarette (ou un autre vice) en disant : « Si je reprends encore une fois ma ‘clop’, alors je m’interdis la consommation de tel fruit durant 30 jours… ». Si la personne emploie un langage propre aux vœux (à demander à votre rav), sa parole fera ‘tomber’ un interdit sur le fruit (dans le cas où il n’a pas résisté à la tentation). C’est pourquoi, beaucoup ont l’habitude de rajouter dans leur lexique l’expression : « Bli néder » « sans faire de vœux ».
De cette manière on sera sûr que notre parole ne nous fera pas trébucher dans des promesses non-respectées. Autre cas, plus courant : dire : « demain, je vais à la synagogue pour écouter le cours du rabbin… » Il convient de dire « Bli néder » car puisque notre parole est liée avec une Mitsva (celle de l’étude de la Tora) donc notre parole tombera inévitablement dans le domaine des vœux même si on n’emploie pas une forme d’expression propre aux vœux.
La Michna dans Nedarim 48 traite d’un cas plus compliqué, celui où l’on interdit à son prochain l’utilisation de ses biens. En effet, un homme peut s’interdire la consommation de tel aliment, il peut aussi interdire à son ami l’utilisation de ses biens. Ce qu’on nomme ‘Moudar hanaha’.
Un cas connu du temps du Talmud est rabbi ‘Akiva, au moment où il voulait se marier avec Ra’hel, la fille du milliardaire Kalba Savoua. Son futur beau-père a mis en garde sa fille de ne pas se marier avec ‘Akiva (car jeune, ‘Akiva était un parfait inculte). Et si elle passait outre, il lui interdirait sous forme de vœux tous ses biens. Sa fille n’écouta pas son père et Baroukh Hachem épousera rabbi ‘Akiva. Les deux mariés vivront près de 24 années dans la plus grande pauvreté jusqu’à ce que le beau-père se rende compte de la grandeur de son gendre et se délie de son vœu avec l’aide des Sages.
Revenons à la Michna de Nedarim qui, elle, enseigne que lorsque l’on interdit à son prochain ses biens, cela inclut ses livres (Kodech). Conclusion, son ami ne pourra pas étudier dans les livres de celui qui a fait le vœu. Le commentateur de l’époque médiévale « Avraham de la Montagne » (Avraham min hahar, Montpelier semble-t-il) pose une très intéressante question. En effet, il existe un principe de la Tora : les Mitsvoth n’ont pas été données pour notre profit, « Lav léhénoth nitnou ». C’est à dire que la Mitsva est un commandement du Roi des rois afin que l’homme prenne sur lui le joug de la Tora, et non pour que l’homme en tire profit. C’est vrai qu’un homme cherchera son plaisir dans l’application de la Mitsva, mais l’intention du Créateur est que l’homme prenne sur lui le joug des Mitsvoth. Une preuve que rapportent ces commentaires, un homme, qui interdit à son ami de profiter de ses biens, pourra quand même lui prêter son Chofar dans lequel il a l’habitude de souffler à Roch Hachana. Ceci est la preuve que le vœu n’interdit pas les Mitsvoth, justement à cause du principe que les commandements n’ont pas été donnés à l’homme pour qu’il profite et ait du plaisir. D’après cela, rabbi Avraham demande avec beaucoup de justesse pourquoi la Michna interdit l’utilisation des livres (de Tora) de son ami (car le vœu interdit de profiter or les Mitsvoth n’ont pas été données pour jouir d’elles). Sa réponse formidable est qu’il faut distinguer entre les Mitsvoth et l’étude de la Tora. Pour toutes les Mitsvoth de la Tora le principe est vérifié : les Mitsvoth ont été données pour accomplir uniquement la volonté de Hachem (sans la recherche du plaisir). Le principe est vérifié pour toutes les Mitsvoth qui sont liées avec l’acte (comme prendre le Loulav à Souccoth, les Tefilinnes tous les jours, etc.). Cependant pour l’étude de la Tora, la Mitsva est précisément lorsque l’on tire du profit de son étude. Avoir du délice dans son étude, comme le roi David disait déjà : « Les commandements de Hachem sont droits et réjouissent mon cœur » C’est la raison pour laquelle les endeuillés n’ont pas le droit d’étudier la Tora car elle est source de réjouissance. Donc puisque l’étude de la Tora est liée avec le plaisir, alors les vœux, qu’il fera porter sur son ami concernant ses biens, entrainent qu’il sera interdit à ce dernier d’ouvrir les livres de son ami (pour les étudier). Dans le même sens, le Iglé Tal écrit dans sa préface : « Certains étudient la Tora en disant ne pas rechercher le plaisir afin que leur étude soit plus « Lichma »/au Nom de Hachem. C’est une erreur. L’étude doit amener l’homme à se délecter dans l’approfondissement de textes saints »
FORMIDABLE ! (Par la même occasion on souhaitera beaucoup de réussite à tous les valeureux Ba’hourim de France et d’ailleurs qui vont entamer bientôt le grand saut dans les Yechivoth Guedoloth en Israël ou Angleterre (Beth Chmaïa ou Gateshead…) et on leur souhaitera une grande réussite et beaucoup de kiff dans leur étude.
Seulement, pour nos érudits, il reste que le Taz sur le Choul’han Aroukh (221.11 sq 40) apprend autrement. A l’époque de la Guemara les gens louaient des livres car ils étaient rares. Donc le fait de prêter à son ami un livre signifiait faire une belle « fleur » car il n’avait pas à en débourser ni le prix de l’achat ni de la location. Donc dans le cas où son ami faisait un vœu de profiter de ses biens, l’utilisation de ses livres devenait interdite à cause du gain (pécuniaire) tiré (dans le même esprit, voir le Ksott (72.34).
On pourra répondre que même que le Taz est d’accord fondamentalement que l’on doit étudier dans la joie, seulement ce n’est pas la raison principale de la Mitsva (voir aussi Kehiloth Ya’akov Berakhot 22).
Le sippour
L’appartement de la discorde
Cette semaine puisque nous sommes « Bein Hametsarim » (la période des trois semaines entre le 17 Tamouz et le 9 Av), j’ai choisi cette histoire véridique afin de nous faire réfléchir sur nos relations parfois conflictuelles avec nos proches et des conséquences insoupçonnables qu’elles peuvent entraîner.
Cela remonte à plus de 70 ans en arrière dans l’ancien Yichouv de Jérusalem (Méa Ché’arim et ses environs). Dans les années 50, la situation pécuniaire était catastrophique : la population souffrait du manque de nourriture. Une jeune famille typiquement juive reçut alors une offre très alléchante d’un proche parent installé à New York. Une place se libérait dans un magasin de Judaïca de la grande métropole américaine, avec en plus un appartement mis à leur disposition. La proposition était très intéressante et le chef de famille se rendit chez son rav pour lui demander conseil. Le rav lui demanda qu’il vérifie en premier lieu s’il existait des institutions de Tora pour ses enfants. Le père se renseigna et effectivement la réponse provenant de New York était positive, il existait effectivement deux écoles orthodoxes pour garçons et filles de très bonne qualité à proximité de leur l’habitation. Au final la famille yeroushalmite immigra vers le Golden State, les USA. Le changement de vie était saisissant : passer de Méa Ché’arim des années 50 vers la grande métropole américaine. Les deux enfants du couple étaient ébahis devant ce nouveau monde. La petite famille s’installa dans un agréable appartement proche du travail du père et les enfants furent scolarisés dans les meilleures écoles religieuses. Les années passèrent, le fils et la fille grandirent suivant le système d’éducation américain (par contre la famille ne grandit pas). Le jeune garçon devint Ba’hour Yechiva puis vint le moment des présentations. Le fils (pour les besoins de l’histoire on l’appellera Moché) trouva « chaussure à son pied » : une jeune fille qui lui ressemblait au niveau religieux et de ses aspirations de vie. Le jeune couple s’installa dans un appartement acheté par les beaux-parents.
Seulement les chemins de la Providence sont parfois difficiles à comprendre, les parents de Moché trouveront la mort dans un tragique accident de voiture sur une des voies rapides de New York. Durant cette même période difficile leur jeune fille (on l’appellera Sara) trouva son Zivoug et se maria. Les mois passèrent après le décès des parents et il se développera entre Moché et Sara une incompréhension au sujet de l’héritage. En effet, les parents défunts avaient laissé derrière eux un appartement en propriété dans lequel Sara habitait avec son nouveau mari. Moché prévint sa sœur en disant : « Du point de vu de la Tora j’ai droit à tout l’héritage (ndlr c’est seulement dans le cas où il n’y a que des filles qu’elles héritent. Ce n’est que dans les cas de donations du vivant des parents que les filles héritent à part égale). Seulement je ne désire pas te faire la vie dure, je suis d’accord que tu gardes la moitié, l’autre moitié c’est pour moi de juste droit. » Sara répondit : « Mais toi, tu as déjà un appartement offert par tes beaux-parents et moi je n’ai rien du tout. Je n’ai pas d’aide de mes beaux-parents ni de nos parents, paix à leurs âmes. Je tiens à recevoir l’intégralité de l’appartement : comme cela, chacun aura son appartement ». Moché resta sur sa position et Sara également ne voulait plus discuter. La situation empira et ne trouvait pas de solution jusqu’au point où les deux enfants rompirent les liens. Le fils prit une décision extrême : vendre l’appartement sans l’avis de sa sœur. Il réussit à le vendre et monta en Erets. Moche continua son étude en Terre sainte sans avoir de nouvelles de Sara. Des dizaines d’années passèrent, Moché devint Roch Yechiva. Cependant durant toutes ces années son couple n’avait pas d’enfants. Sa Yechiva accueillait des dizaines de Ba’hourim en particulier d’Amérique. Un jour le Machguia’h (responsable spirituel) informera le Roch Yechiva qu’un des élèves était malade alité dans sa chambre et qu’il ne pouvait pas venir assister aux cours. Le rav Moché se déplacera au chevet du malade et il comprit que son état nécessitait une hospitalisation. Le jeune fut transporté en ambulance vers l’hôpital le plus proche. C’est le Roch Yechiva qui accompagna le jeune ba’hour car les différents rabbanim de la Yechiva ne pouvaient pas l’accompagner. Durant le transfert, le rav s’enquerra des coordonnées de sa famille. Le rav contacta directement la famille du Ba’hour qui habitait en Amérique. Le père du garçon dira : Surtout faites bien attention à mon fils, car c’est notre fils unique ! J’arrive au plus tôt. » Au bout de deux jours, le père arriva à l’hôpital et se rendit à son chevet. A côté du lit se trouvait le Roch Yechiva qui salua le père et lui demanda des précisions sur sa famille et sa belle-famille. Il lui répondit qu’il n’avait jamais connu ses beaux-parents, car ils étaient décédés quelques temps avant son mariage. En entendant ces paroles, cela fit « tilt » dans les oreilles du Roch Yechiva. Il demanda si le nom de jeune fille de sa femme n’était pas un tel, le père répondit par l’affirmative. Il ne faisait plus de doute : la mère du malade était sa sœur, donc le malade était son neveu ! Rav Moché demanda au père que sa femme vienne en Erets au chevet de son fils (qui était très mal en point). Le père avait compris la gravité de la situation. Le Roch Yechiva ajouta qu’il fasse tout son possible pour que sa femme pardonne le passé et que par ce mérite le jeune ba’hour retrouve la santé. Lors de l’arrivée de sa femme le père fit de son mieux pour apaiser la rancœur accumulée par sa femme contre son frère, afin que leur fils recouvre la santé et il dévoila l’identité du Roch Yechiva de leur fils : Moché, son frère. Sara accepta la nouvelle situation, et pour la santé de son fils pardonnera entièrement toutes les années de querelles et d’inimitiés suite à la vente intempestive.
Finalement, le ba’hour recouvra la santé et dans l’année qui suivra, le Roch Yechiva méritera d’avoir un fils après des dizaines d’années d’attente. Sans commentaires.
Chabbath Chalom et à la semaine prochaine, si D’ le veut !
David Gold
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