19 mars 2024

Vayéra: OH mon frère !

«Et l’Eternel se révéla à lui» (18-1).

Au début de notre paracha, Avraham avinou, âgé et malade, trois jours après sa circoncision, est assis devant l’entrée de sa tente anticipant la venue de nouveaux invités. Il attend impatiemment l’occasion d’agir avec bonté en offrant le matériel et le spirituel: offrir son hospitalité en servant à boire et à manger ainsi qu’en répandant la foi en l’Eternel; ainsi, ” et l’Eternel se révéla à lui”, il mérite la révélation divine.

Le midrache raconte (Béréchit raba 47-13) que lorsqu’Avraham avinou  reçut le commandement de se circoncire, il s’exclama: “Jusqu’à ma circoncision, les passants s’arrêtaient chez moi. A présent que je suis circoncis, ils ne viennent plus? L’Eternel lui répondit: “Jusqu’à ta circoncision, des incirconcis venaient chez toi. A présent, Je viens en personne me révéler à toi. Comme il est écrit: “Et l’Eternel se révéla à lui”.

Notre maître le Achlikh hakadoch ztsl s’étonne: “Convient-il à Avraham avinou de se plaindre devant l’Eternel?! Pourtant, lorsque l’Eternel lui ordonna de sacrifier son unique fils qu’il aime tant, Avraham n’émit pas une seule remarque comme: mais tu m’as dit que ma descendance viendrait de mon fils Yits’hak? Comment est-ce possible que concernant le présent commandement, Avraham cherche un échappatoire?”

Cette question est excellente mais nous devons, avant d’y répondre, y ajouter une question supplémentaire: quelle était la particularité d’Avraham avinou? Pourquoi fut-il choisi pour être l’un des trois patriarches de la nation éternelle? En effet, d’autres personnes avant lui et même de sa génération étaient de grands justes et même des prophètes tels que Noé, Chem et Ever. Selon le midrache, les patriarches ont même étudié dans la Yéchiva de Chem et Ever. Alors pourquoi ces personnes éminentes ne méritèrent-elles pas la place des patriarches?

Le Rambam ztsl répond à cette question au début des lois sur l’idolâtrie: “Dès qu’Avraham reconnut l’existence de son Créateur, il commença à remettre en question la façon de vivre des habitants de sa ville et à dénoncer leur erreur. Il détruisit les idoles en expliquant que le seul service divin n’existe que pour l’Eternel. Il leur déclara qu’il convient de détruire toutes les statues afin de ne pas commettre d’erreur en plaçant une quelconque croyance en leur potentiel pouvoir. Avraham influença les habitants de sa ville par ses démonstrations logiques à tel point qu’il représenta une menace pour le pouvoir politique de l’époque; c’est ainsi que le roi Nemrod ordonna de le tuer. Avraham bénéficia d’un miracle, survécut et partit à ‘Haran. Il commença à haranguer les foules en affirmant l’existence d’un Dieu unique qu’il convient de servir. Il allait de ville en ville, de royaume en royaume et continuait à rassembler les masses afin de répandre la connaissance du Dieu unique jusqu’à son arrivée en terre de Canaan, comme il est dit: “Et y proclama le Seigneur, Dieu éternel” (verset 21-33); des milliers de personnes affluèrent vers lui et seront considérés comme faisant partie de sa maison car il leur transmis cet important et grand principe”.

Le Raavad ztsl pose une question difficile: “Je suis étonné car à cette époque existait la yéchiva de Chem et Ever; comment est-ce possible qu’ils ne dénonçaient pas l’idolâtrie?” Le Beit Yossef ztsl répond à cette interrogation dans son livre “Kessef michné”: “Chem et Ever transmettaient la connaissance de Dieu à leurs élèves; ils ne sortaient pas pour publier cette connaissance aux masses comme Avraham; c’est là que réside la grandeur de ses actes!”

En effet, Chem et Ever ne restaient pas enfermés chez eux, ils dirigeaient une grande yéchiva, mais ils ne s’adressèrent pas au public. Ils n’organisèrent pas de conférences et n’agissaient pas pour réveiller la conscience des gens à l’existence d’un Dieu unique. A l’inverse, Avraham avinou était prêt à se dévouer corps et âme et à se jeter dans la fournaise pour défendre sa cause; il fut prêt à sacrifier son fils unique et à réunir ses disciples pour lutter contre les quatre rois. Pourtant, quand il reçut le commandement de se circoncire, il fut bouleversé à l’idée que cela pourrait éloigner les passants et qu’il soit ainsi dans l’impossibilité de les rapprocher de Dieu! “Maître du monde!”, s’exclama-t-il, “que va devenir mon action pour rapprocher les idolâtres du service divin et de la foi véritable?!”…

Ceci fut la grandeur d’Avraham avinou et le secret de sa personnalité si singulière qui le plaça comme patriarche!

Rappelons ici la parabole merveilleuse de rabbi Avraham haCohen ztsl de Tunisie:

Un salarié de la société d’électricité était assis dans la grande salle des machines et lisait un livre, quand soudain une coupure générale d’électricité se produisit et plongea toute la région dans l’obscurité. Les instruments de réanimation des hôpitaux cessèrent de fonctionner, les ascenseurs restèrent bloqués dans les immeubles, les gens trébuchèrent dans les rues sombres, et les voleurs se réjouirent de la situation inespérée! Il fallait vite se lever et rétablir le courant électrique. Le salarié se dépêcha, il tâtonna dans l’obscurité et trouva le tiroir, l’ouvrit, en sortit une lampe de poche, l’alluma, puis se remit à lire son livre…

Maintenant qu’il a de la lumière, pourquoi s’efforcerait-il de rétablir le courant électrique pour les autres?…

Ce n’est pas ainsi qu’Avraham avinou se comportait! Une obligation nous incombe: chacun doit se poser la question suivante: quand mes actes seront-ils au niveau des actes de mes ancêtres, Avraham, Yits’hak et Yaakov? Quels étaient les actes des patriarches qui étaient si chers à l’Eternel (Derekh ets ha’hayim léRam’hal). Ils étaient chers à l’Eternel car ils rapprochaient les gens du service divin. Chacun doit donc s’efforcer selon ses possibilités d’agir également dans ce sens!

(Extrait de Mayane Hachavoua)

Rav Moche Benichou